Thursday, April 18, 2024
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A Lagos, le coronavirus fait basculer dans l’extrême pauvreté

Toyin Jacob, commerçante de 60 ans, n’aurait jamais imaginé dépendre un jour de l’aide humanitaire. Les distributions de nourriture, c’était pour ses voisins du bidonville de Makoko, un quartier populaire de Lagos, la capitale économique du Nigeria.

Comparé à ces familles de pêcheurs qui vivent juste derrière chez elle dans de misérables baraques de bois et de tôle, sans eau ni électricité, Mme Jacob habite une maison en dur reliée au courant électrique et située au bord d’une route asphaltée.

Sa fille faisait des études et son fils avait un petit boulot. Mais en un an, avec le décès de son mari, puis le coronavirus et la crise économique qui a suivi, tout s’est effondré.

Son petit commerce de marchandises lui rapportait toujours un peu de quoi manger, mais le confinement de cinq semaines décrété en avril a eu raison de ses maigres revenus.

“Nous n’avons rien vendu, et après il n’y avait plus assez d’argent pour relancer l’activité”, détaille Mme Jacob, qui a commencé à vendre la plupart des biens de sa maison pour survivre.

En quelques mois, la commerçante a basculé dans l’extrême pauvreté, et dépend aujourd’hui presqu’exclusivement de la solidarité de ses voisins pour survivre.

“Je n’ai toujours pas réussi à remonter la pente”, lâche-t-elle, désemparée.

– “Juste de quoi manger” –

Le Nigeria, avec 200 millions d’habitants, comptait déjà 88 millions de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour. Il est, avec l’Inde, le pays qui compte le plus grand nombre de pauvres au monde.

Et comme Mme Jacob, ils seront 7 millions de plus cette année, selon les projections de la Banque mondiale.

Des nouveaux pauvres “plus urbains” et “plus éduqués”, premières victimes du coronavirus et de ses effets dévastateurs sur la première économie du continent, selon l’institution américaine.

Si au Nigeria l’extrême pauvreté touche d’abord les zones rurales, les citadins ont été particulièrement touchés avec le confinement, affirme le programme alimentaire mondial (PAM).

Dans la deuxième ville du pays Kano par exemple, le nombre de citadins souffrant de la faim a été multiplié par trois entre le début de l’année 2020 et l’été dernier, pour atteindre 1,5 million de personnes.

C’est pour répondre à cette détresse économique croissante dans les villes que l’agence onusienne, qui opérait alors uniquement dans les campagnes, a lancé en mai avec le gouvernement nigérian des distributions d’aide humanitaire à Lagos, Abuja (centre) et Kano (Nord), les principales mégapoles du pays.

Au cours de l’une d’elle, Mme Jacob a reçu – comme 68.000 ménages à Lagos depuis octobre – 37.000 nairas (76 euros), l’équivalent de deux mois de nourriture.

Cette aide doit leur permettre de “rebondir après le choc”, explique à l’AFP Chi Lael, responsable de la communication du PAM au Nigeria.

“Pour certains, elle permettra d’acheter des biens pour pouvoir relancer leur activités”, dit-elle. Pour d’autres “tout simplement de quoi manger”.

– “Nous survivons” –

Dans le bidonville flottant qui jouxte la maison de Mme Jacob, les habitants n’ont pas attendu le coronavirus pour connaître l’extrême pauvreté. Mais la pandémie, qui a infecté 92.705 personnes au Nigeria et fait 1.319 morts, les a mis à genoux.

Sous une chaleur assommante, Bidemi Aye se tient immobile sur le pas de son abri: une pièce sur pilotis, sans porte, construite en bambou. Elle tient son enfant de 3 ans sur ses genoux, le regard éteint.

Il est 13H et ils n’ont encore rien avalé.

Son mari est vendeur de poissons, mais avec le peu qu’il rapporte chaque soir, sa famille ne peut manger qu’une seule fois par jour. “Depuis le coronavirus, c’est pire”, dit cette femme autour de la vingtaine, qui ne connaît pas son âge exact. “Nous survivons seulement par la grâce de Dieu”.

Autour d’elle, des centaines de milliers de personnes survivent au milieu des détritus, dans des cabanes sur pilotis, les pieds dans une eau crasse.

Le Nigeria, qui commençait juste à sortir la tête de l’eau après 2016 et la chute des cours de l’or noir, dont dépend son économie, vient d’annoncer entrer en récession pour la deuxième fois en quatre ans.

Avant même la pandémie, le taux de chômage des jeunes atteignait déjà les 40%.

Partout dans Makoko, des numéros de téléphone écrits à la craie constellent les murs décrépis: “Cherche travail, 2.500 nairas la journée” – moins de 6 euros.

Afp

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