Thursday, March 28, 2024
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Éthiopie: Amnesty International lève le voile sur une année meurtrière

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed.  AFP/Monirul BHUIYAN

Texte par :Léonard VincentSuivre

Sous les radars médiatiques, l’Éthiopie dirigée depuis 2018 par le prix Nobel de Paix Abiy Ahmed a connu deux années très violentes dans les régions de l’Oromiya et Amhara. Telle est la conclusion d’un rapport d’enquête publié, ce vendredi, par l’organisation Amnesty International. Il détaille les exactions et les crimes commis contre les populations de ces deux régions troublées. Et il trace les contours d’une « sale guerre » menée sur des bases ethniques, avec la complicité ou la participation directe des forces armées fédérales.

Des assassinats de sang froid de prisonniers, des exécutions de civils, des déplacements massifs de population, des camps de réhabilitation forcée, des viols même : les crimes recensés par Amnesty International dans l’Oromiya en 2019 sont très violents. Cela semble indiquer qu’une campagne agressive a été menée dans l’impunité, au nom de la lutte antiterroriste, par les forces gouvernementales, dans cette région d’où le Premier ministre Abiy Ahmed est originaire.

Tout est parti de l’entrée dans la clandestinité d’une partie du Front de libération oromo, un groupe politico-militaire qui a accepté d’intégrer la scène politique, mais dont des éléments ont refusé tout compromis et ont mené des attaques contre les troupes fédérales. Et la réponse de celles-ci a été brutale et indiscriminée : c’est ce que montre le rapport d’Amnesty. Et même s’il n’a pas la preuve que des ordres ont été donnés par les autorités fédérales, l’auteur de cette enquête, le chercheur Fisseha Tekle, ne croit pas que ces crimes soient le fait d’éléments isolés.

« Les forces de sécurité de l’Oromiya sont une combinaison de l’armée éthiopienne, de la police régionale et d’une milice locale. Elles agissent ensemble et depuis longtemps, mais personne n’a été tenu pour responsable. Et puis il est difficile de croire que les autorités fédérales n’étaient pas au courant, étant donné la gravité de ces crimes. On ne peut pas déplacer 10 000 personnes pour les enfermer dans un camp militaire et dire ensuite que c’est un acte ou un incident isolé », estime Fisseha Tekle.

Violences en région Amhara

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L’autre sujet de l’enquête d’Amnesty International est le nord la région Amhara et plus précisément dans la zone frontalière avec le Tigrè où vit le peuple Qemant. Là aussi, la situation a dégénéré depuis l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed, selon Fisseha Tekle, d’Amnesty International.

« Cela fait longtemps que les Qemant demandent l’autonomie. Au début, le conflit opposait les forces de police régionales et les militants autonomistes qemants. Mais depuis 2018, cela a changé. C’est la milice ethnique amhara qu’on appelle « Fanno » qui a pris la responsabilité d’attaquer les Qemants. Le pic de ces violences a eu lieu en janvier 2019, quand les Fannos soutenus par la police locale et une milice régionale ont attaqué un quartier qemant et ont exterminé au moins 58 personnes en 24 heures. Les autorités fédérales sont complices, parce qu’il y avait un camp militaire dans la ville, tout près du quartier où a eu lieu le massacre. Les soldats étaient informés de la préparation et de l’exécution de l’attaque, mais ils ont choisi de ne pas réagir. »

La question de l’impunité

Pour le chercheur éthiopien d’Amnesty International Fisseha Tekle la question de l’impunité est le défi que doit relever le gouvernement d’Abiy Ahmed, s’il ne veut pas être assimilé au régime autoritaire qu’il a remplacé : « La première chose à faire, c’est d’arrêter d’utiliser les opérations de sécurité pour harceler l’opposition ; particulièrement l’utilisation d’exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires, les déportations de masse comme stratégie pour appliquer la loi… En plus de cela, nous demandons au gouvernement de tenir pour responsables ceux qui se sont rendus coupables de ces crimes. C’est une tendance en Ethiopie. Avant l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed, les forces de sécurité étaient au centre des violations des droits de l’homme. Mais personne n’a été traduit en justice. Cette culture de l’impunité doit cesser. Il y a des règles dans le maintien de l’ordre : rien ne justifie par exemple d’exécuter un détenu pour maintenir la paix et la sécurité. Ces actes, quel que soit leur objectif ultime, sont des violations des lois et de la Constitution éthiopienne. Ce sont des crimes. Et s’ils continuent d’être perpétrés, ils sont passibles de la justice internationale, quelle que soit leur justification. »

Le gouvernement fédéral n’a pas souhaité répondre aux questions d’Amnesty International. Il faut dire que l’équilibre de la fédération éthiopienne est très fragile aujourd’hui, et tout cela dans un contexte où des élections doivent se tenir une fois que les restrictions sanitaires dues au Covid-19 seront levées. Et que la légitimité du maintien au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed soit clairement mise en question par ses opposants.

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