Friday, March 29, 2024
AccueilACTUALITE"On fait la queue pour mourir": la grande fatigue des soignants sud-africains

“On fait la queue pour mourir”: la grande fatigue des soignants sud-africains

“Chaque semaine, on perd une collègue”, confie Nthabeleng, jeune infirmière à bout de force dans une zone rurale d’Afrique du Sud. “C’est comme si on faisait la queue pour mourir, on attend notre tour”.

Le pays le plus touché d’Afrique par la pandémie sort à peine la tête d’une deuxième vague meurtrière, portée en janvier par un variant particulièrement contagieux. Mais les lits en réanimation restent pleins et les conditions de travail redoutables, témoignent de nombreux soignants, en dépit du silence médiatique imposé par les autorités qui refusent tout accès aux hôpitaux.

Malgré les consignes strictes d’éviter les journalistes, certains tiennent à raconter l’enfer de leur huis clos, entre l’afflux de patients, le manque de matériel de protection et la mort omniprésente, répétitive.

Des séquences de travail de douze heures, des patients paniqués qu’il faut rassurer et auprès de qui souvent il faut démonter les préjugés et rumeurs complotistes entourant la maladie…

La mère de famille de 28 ans, qui est une de trois infirmières de cette clinique du Limpopo (nord), une des régions les plus pauvres du pays, stresse. Elle a aussi peur d’attraper le virus que de le transmettre.

“Quand je quitte le service Covid, j’enlève tout le matériel de protection dans la cour derrière la clinique. Ensuite je rentre et je m’occupe d’autres patients que je dois toucher, dont des femmes enceintes”, raconte-t-elle la voix tremblante. Elle ne veut pas donner son nom, de peur des représailles de sa hiérarchie.

Près de 1,5 million de cas Covid ont été recensés dans le pays et plus de 45.000 morts.

– “On a perdu le compte” –

La plupart des malades doivent d’abord se présenter dans leur clinique locale pour se faire tester, avant d’être admis à l’hôpital. Le manque de personnel oblige ainsi souvent les soignants de passer de “services Covid” à des “services non-Covid”.

“On s’infecte puis on infecte des patients à notre tour, les patients repartent et en infectent d’autres, et nous nous infectons nos familles”, résume un infirmier de 27 ans qui tient aussi à son anonymat.

Parmi les soignants, le taux d’infection est alarmant. “Certains guérissent, d’autres meurent. Mais la pénurie de matériel de protection reste un énorme problème”, renchérit Nthabeleng, un prénom d’emprunt.

Son travail à haut risque et le manque de masques et autres blouses jetables l’ont obligée à quitter sa maison, elle dort désormais à la clinique.

“Je ne peux pas rentrer chez moi. J’ai une petite et une grand-mère retraitée à la maison”, dit-elle des larmes dans la voix, préoccupée que la distance avec sa fille n’ait “bousillé le lien” avec elle.

Selon le syndicat de l’Education nationale et de la santé (Nehawu), le chiffre officiel de 18 infirmiers morts du Covid dans la province du Limpopo est trompeur. “Les vrais chiffres sont plus importants”, dit son porte-parole régional Jacob Adams.

Même sentiment au sein du syndicat d’infirmiers Yintu: les chiffres officiels sont “absolument incorrects, je crois qu’à un moment donné on a perdu le compte”, confie à l’AFP son président Lerato Mthunzi.

“Les morts n’ont pas été remplacés, les infirmiers qui étaient sans-emploi restent tout à fait au chômage”, regrette-t-il, appelant les pouvoirs publics à pourvoir les postes vacants.

“Il faut embaucher d’urgence, plaide M. Adams, on n’arrive plus à faire face”. Les autorités sanitaires régionales n’ont pas répondu aux demandes d’éclaircissement de l’AFP.

Afp

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