« Funérailles d’État », un documentaire sur les obsèques de Joseph Staline, en mars 1953, vient de sortir en Russie. Le film est composé uniquement d’images d’archives, sans aucun commentaire. L’effet est sidérant mais le long-métrage du réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa suscite le débat en Russie. Certains, nostalgiques de l’époque soviétique, l’accueillent en effet comme un hommage à Staline. De son côté, le réalisateur se défend de toute complaisance et affirme vouloir montrer l’ampleur du culte de la personnalité voué à Staline.
De notre correspondant à Moscou,
Des dizaines de milliers de personnes qui attendent leur tour dans les rues de Moscou pour pouvoir accéder au cercueil de Staline. Ces images sidérantes ont été tournées en 1953 à des fins de propagande. Mais le film n’est jamais sorti. C’est presque par hasard que Sergueï Loznitsa a pu les récupérer. « J’ai eu accès à 35 heures de rushes, explique-t-il. Quand j’ai vu ça, j’ai décidé de remonter les images. Parce qu’elles nous aident à mieux comprendre cette époque ».
À la sortie de la projection, Faïna qui a vécu ces journées de deuil, n’avait que 10 ans à l’époque, mais s’en souvient comme si c’était hier. « La directrice de l’école nous a dit : “les enfants, aujourd’hui nous vivons un grand malheur. Notre grand dirigeant Joseph Staline est mort”. Et nous avons pleuré parce c’était une grande tragédie pour notre pays », se rappelle-t-elle.
Paradoxe
Il s’agit du paradoxe de ce film. Son réalisateur voulait dénoncer le culte de la personnalité voué à Staline, mais certains en Russie, nostalgiques de la période soviétique le voient au contraire comme un hommage. Sergueï Loznitsa en est conscient, mais défend malgré tout sa démarche et l’absence de tout commentaire.
►La bande-annonce de Funérailles d’État :
« Est-ce que des stalinistes vont s’approprier le film ? Je n’en sais rien. Je connais très bien cette tradition du documentaire, qui consiste à vous expliquer ce qui est bien et ce qui est mal. Moi, je pense au contraire qu’il faut faire confiance au spectateur », estime-t-il.
Seul commentaire à la fin du film, du réalisateur : quelques lignes sur fond noir qui rappellent les crimes du dictateur et les vingt-sept millions de morts provoqués par le régime communiste.