Saturday, April 20, 2024
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Guerre commerciale: Américains et Chinois, tous perdants

La Chine est bien décidée de prendre des mesures de représailles en réponse à l’augmentation des droits de douane décidée par les Etats-Unis. Malgré la poursuite des négociations, la nouvelle surtaxe est entrée en vigueur ce vendredi 10 mai. Elle porte de 10% à 25% les droits de douane sur les 200 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les Etats-Unis. Coïncidence du calendrier ou pas, l’opérateur China Mobile s’est vu refuser l’accès au marché américain. Cette guerre commerciale entre Américains et Chinois provoque déjà des remous dans l’économie mondiale.

Le Fond monétaire international, dans ses prévisions d’avril, a révisé à la baisse la croissance mondiale à 3,3%, cette année, en baisse de 0,3 points par rapport à 2018. Cette crainte pour la croissance mondiale est partagée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Scénario perdant-perdant

Dans ce conflit, quel est le pays qui s’en sort le mieux ? Pour le moment, les deux rivaux semblent perdants, estime Jean-François Dufour, directeur de DCA-Chine Analyse, un cabinet de conseil sur le marché chinois : « Aujourd’hui, on est sur un scénario perdant-perdant. Les exportations chinoises marquent le pas clairement sur le début de l’année 2019. Avec une progression beaucoup plus faible que les années précédentes. Ceci dit, le phénomène n’est pas suffisamment marqué pour que ça soit considéré comme une victoire américaine dans la mesure que la Chine réussit à compenser sur d’autres marchés ce qu’elle perd sur le marché américain. »

Perdant aussi du côté américain. Car malgré l’importance du marché américain, la guerre commerciale engagée ne suffit pas à infléchir les résultats. Après plusieurs mois de tensions engendrées par la mise en place de mesures protectionnistes par les deux rivaux, le déficit commercial américain avec la Chine affiche toujours un montant record de 420 milliards de dollars. Elles n’ont pas, non plus trop d’impact sur Pékin. « La Chine joue beaucoup sur le gros projet des Nouvelles Routes de la Soie, qui lui permet de compenser en partie ce qu’elle perd sur le marché américain. La Chine met également accent sur son autre gros marché, qui est d’ailleurs son premier marché à l’international, et qui est l’Union européenne sur laquelle les exportations restent relativement dynamiques en ce début 2019 », explique l’économiste.

Les autres n’y gagnent rien, non plus

La question se pose quant aux autres pays. Peuvent-ils tirer un bénéfice de ce conflit ? Si bénéfice il y a, répond Jean-François Dufour, il risque de tourner court : «on pourrait imaginer un effet de substitution aux exportations américaines vers la Chine par des entreprises européennes, qui sont à même d’offrir les produits américains qui seraient surtaxés par la Chine. A l’inverse, on pourrait imaginer un effet d’opportunité pour certains pays d’Asie-Sud-Est qui pourraient se substituer aux exportations chinoises vers les Etats-Unis. Mais attention : c’est une vision très court-termiste. Si jamais, effectivement, un impact économique important sur ces deux marchés découlait de ce conflit commercial. Finalement, tout le monde serait perdant à terme. »

La guerre pour l’hégémonie dans le monde

Mais alors, pourquoi cette guerre commerciale éclate maintenant, alors que le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine ne date pas d’hier ? Le directeur de DCA-Chine Analyse estime que « le déficit structurel était acceptable côté américain, tant que l’on était dans un schéma inégal dans lequel la Chine jouait le rôle, selon l’expression bien connue d’atelier du monde. Le problème, c’est qu’à partir du moment où la Chine, autour de 2015, a annoncé un changement de positionnement avec le fameux plan Made in China à l’horizon 2025, les Etats-Unis ont perçu le risque d’une concurrence de termes de puissance économique et technologique qui change radicalement la donne. Du coup, le système chinois qui est différent du système américain, simplement parce que l’on n’a pas affaire à l’économie de marché classique, mais ce qui était acceptable jusque-là par Washington ne le devient plus dans cette nouvelle perspective. Cela peut expliquer, par-delà le prétexte du déficit commercial, le fait que l’on soit arrivé aujourd’hui à un véritable conflit ».

L’Europe qui assiste de loin à ce conflit est dans une situation délicate. Selon Jean-François Dufour, certains pays membres partagent la position des Américains et pensent que leurs griefs sont fondés en partie. « Mais ils n’oublient pas la Chine joue d’un modèle différent, qui lui permet de déformer les règles de la concurrence internationale. Parallèlement, il y a une réticence à s’aligner sur les positions américaines qui risquent d’avoir un impact sur l’économie mondiale extrêmement grave. En en même temps, l’Europe est confrontée à son éternel problème de la division qui fait qu’aujourd’hui même si elle arrivait à arrêter une position par rapport aux deux protagonistes, de toutes façons elle est trop désunie pour la mener de manière cohérente. Donc, finalement, on a une Europe qui a du mal à tirer parti de ce conflit quelle que soient des opportunités qu’il pourrait lui offrir », conclut-il.

Nous assistons à un choc de géants, dont l’issue est plus qu’incertaine pour tout le monde.

Rfi

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