A travers un drame familial qui prend pied dans une Tunisie post-révolutionnaire, « Un fils » explore avec justesse la question de la filiation ou encore du don d’organes et les conséquences du déficit.
Tunisie, 2011. Ce qui devait être, pour Farès, Meriem et leur fils de 9 ans, Aziz, un week-end de détente dans le sud tunisien vire au drame lorsque des terroristes attaquent des patrouilles de la garde nationale, prises en embuscade. Pas de chance pour eux, leur voiture est elle aussi attaquée et une balle perdue blesse grièvement l’enfant. Cette famille moderne issue d’un milieu privilégié est alors vite confrontée à une réalité qu’elle ne soupçonnait même pas, à une autre Tunisie qu’elle côtoie uniquement du fait de la soudaineté de l’épreuve endurée et de l’urgence de la situation.
Le don d’organes, un tabou culturel
L’opposition au don d’organes y est, comme nombre de pays du monde arabo-musulman, liée avant tout à un frein culturel entremêlé de considérations d’ordre religieux en prenant appui sur le principe de l’inviolabilité du corps humain, même après la mort. Or, répétons-le, l’islam encourage, en réalité, la pratique du don d’organes au nom de la sacralité de la vie.
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Un film qui reflète une déshumanisation rampante du monde
De la demande, alimentée par la détresse de personnes souvent aisées, jusqu’à l’offre fournie par des cliniques privées de mèche avec les trafiquants, le film amène le spectateur à interroger les responsabilités de chaque partie dans la persistance d’une criminalité organisée trop souvent en toute impunité du fait d’un système de corruption toujours endémique au Maghreb.
Un drame conjugal bien amené
Le spectateur assiste au plus près à l’éclatement de la cellule familiale après la révélation d’un terrible secret (article garanti ici sans spoilers !). C’est ainsi une autre facette de Farès que l’on voit surgir, avec son lot de fragilités qui vont à rebours de l’homme moderne qu’il prétend être. C’est pour l’amour d’Un fils qu’il se lance dans une quête déraisonnée d’un foie, quitter à flirter avec le danger. Cet homme est superbement interprété par Sami Bouajila, qui a ainsi remporté le prix du Meilleur acteur dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise. « Sami est un acteur malléable, c’est un vrai caméléon. Impossible de le ranger dans une case. Est-ce un gentil ? Un méchant ? J’aime les acteurs de sa trempe. Il s’est vraiment investi dans le rôle », note Mehdi M. Barsaoui.
On en oublie pas le dévouement de Meriem, interprétée par la Tunisienne Najla Ben Abdallah, pour trouver un foie à son fils, en passant par un autre chemin que celui emprunté par son mari.
Le réalisateur tunisien fait le choix, plutôt audacieux, d’une fin ouverte. « L’idée était précisément de permettre aux deux protagonistes de décider de leur avenir. Ils se sont libérés du passé et de tout ce que ça sous-entendait en termes de blessures et de non-dits. C’est à eux d’écrire leur avenir à présent. Se remettront-ils ensemble ou pas ? J’ai la réponse dans ma tête, mais je laisse les spectateurs décider pour eux-mêmes », explique-t-il.
Après une sortie réussie en Tunisie, Un fils, avec son scénario haletant, mérite un très bel accueil en France.
Tunisie, Qatar, Liban, France, 96 min
Avec Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Youssef Khemiri, Noomen Hamda, Qasim Rawane, Slah Msaddak, Mohamed Ali Ben Jemaa
Sortie en salles le 11 mars 2020