Thursday, March 28, 2024
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Chute du Mur de Berlin: une onde de choc jusqu’en Afrique

Sur le mur de Berlin, le 9 novembre 2019.
© Françoise CHAPTAL / AFP

L’onde de choc de la chute du Mur de Berlin se fait sentir en Afrique également dès la fin de l’année 1989. Ces bouleversements en RDA et plus généralement dans les pays de l’Est ont été suivis sur le continent africain.

Ils ont été suivis de près parce qu’à la fin des années 1980 la crise s’est installée dans de nombreux pays d’Afrique, en grande partie en raison de leurs difficultés économiques et des difficultés de fonctionnement de l’État. Problème de corruption, salaires impayés. Le malaise social gronde. Et donc les bouleversements à l’Est nourrissent la réflexion des acteurs de ces contestations et créent un espoir de changement.

C’est particulièrement le cas au Bénin, qui s’est ancré dans le bloc soviétique. À l’époque, le pays applique un modèle socialiste, mais cela ne fonctionne pas. Les Béninois ironisent sur le « laxisme-béninisme ». À plusieurs reprises en 1989, les travailleurs descendent dans la rue et commencent à demander un retour à la démocratie. Dans ce contexte de bouillonnement, l’annonce de la chute du mur, la révolution de velours en Tchécoslovaquie, l’arrestation, la condamnation et l’exécution de Nicolae Ceaucescu en Roumanie constituent aussi une pression supplémentaire sur le pouvoir béninois. Le président Mathieu Kérékou annonce donc le 7 décembre 1989 deux choses : l’abandon officiel du marxisme-léninisme et la convocation d’une conférence nationale.

« Le vent de l’Est secoue les cocotiers »

La contestation se développe aussi des pays qui ne sont pas alliés au bloc de l’Est, comme le Gabon d’Omar Bongo et ce dès le mois de janvier. Ce sont les étudiants qui commencent le mouvement, mais celui-ci va se transformer en front social plus large. Contestation, également, au Niger du général Ali Saïbou avec des manifestations de scolaires en février. La Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny connaît à son tour en mars 1990 une vague de manifestations.

À chaque fois, les dynamiques sont avant tout locales, mais dans les gouvernements occidentaux s’impose l’idée que le vent de liberté qui a soufflé sur l’Est va aussi souffler sur l’Afrique. On prête au ministre français de la Coopération, Jacques Pelletier, une formule qui est restée : « Le vent de l’Est secoue les cocotiers. »

Ouverture démocratique

En réaction, le 20 juin 1990, lors de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France à la Baule, le président français, François Mitterrand, prononce un discours qui fera date. Un message adressé aux dirigeants africains dans lequel il associe le soutien de la France aux démarches engagées par les Etats en matière de démocratie et de bonne gouvernance. « Il nous faut parler de démocratie, dit François Mitterrand à ses hôtes africains. C’est un principe universel qui vient d’apparaître aux peuples de l’Europe centrale comme une évidence absolue. »

Dès l’année suivante, le discours mitterrandien sur le sujet viendra nuancer la Baule et l’évolution démocratique ne se fera au final qu’à la marge. Mais en juin 1990, en tout cas, François Mitterrand envoie ce signal aux États africains. Un signal qui a largement contribué aux aménagements politiques réels ou de façades réalisées par certains pays.

Plus généralement, l’effondrement du bloc communiste marque un changement dans la place que les pays africains vont occuper dans la géopolitique mondiale. Pendant la guerre froide, la lutte contre l’expansion communiste avait conditionné des alliances du monde occidental avec différents régimes peu recommandables ou autoritaires. La perte de cet ennemi soviétique va rendre ces alliances moins essentielles et du coup obliger certains pays à ouvrir ou à faire semblant d’ouvrir leur système politique. C’est ce qui fait par exemple qu’au Zaïre, le président Mobutu annonce en avril 1990, les yeux embués de larmes, la fin du parti unique.

Pour le journaliste Antoine Glaser, bon connaisseur des relations franco-africaines, plus qu’un véritable changement de politique à l’égard de l’Afrique, la chute du mur de Berlin marquera surtout le début de la perte d’influence de la France avec la mondialisation du continent.

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En Afrique du Sud, la chute du Mur précipite l’apartheid

En Afrique du Sud, au même moment que le Mur de Berlin s’écroulait, se préparaient les négociations autour du démantèlement du régime de l’apartheid et la fin annoncée du bloc communiste a pu faciliter les discussions autour de la transition, alors que le mouvement de libération était soutenu – idéologiquement et financièrement – par Moscou.

Avec la chute du Mur, le régime de l’apartheid ne peut plus justifier son existence en se présentant comme un rempart contre le communisme dans le pays et dans la sous-région, comme l’explique Stephen Sparks, professeur d’histoire à l’université de Johannesburg :

« Le gouvernement de l’Afrique du Sud lui-même, mais aussi les États-Unis, et dans une moindre mesure le Royaume-Uni, considéraient le régime de l’apartheid comme une sorte de digue contre le communisme. Et ces intérêts stratégiques étaient très importants, ils ont sans aucun doute contribué au maintien du régime. Avec la chute du Mur de Berlin, la désintégration de ce modèle a eu un impact. »

Il est aussi plus facile pour Frederik De Klerk et son parti d’accepter de passer la main, rassurés que l’ANC ait perdu son soutien communiste, comme l’explique l’historien.

« L’ANC a alors perdu son attachement à l’idéologie socialiste et communiste. Et cela a donc pu calmer l’inquiétude du gouvernement sud-africain de voir un régime socialiste ou communiste prendre le pouvoir lors de la transition post-apartheid. »

Si ce sont avant tout des raisons économiques et de politique intérieure qui ont conduit à la fin de l’apartheid, la chute du Mur de Berlin aura offert une fenêtre d’opportunité pour faciliter les négociations.

En Éthiopie et en Somalie, deux régimes rivaux s’effondrent

Parmi les conséquences directes de la chute du Mur de Berlin en Afrique il y a aussi la fin de deux régimes voisins et rivaux, en Éthiopie et en Somalie, en 1991, car les deux pays ont été, tour à tour, des alliés de l’Union soviétique et des États-Unis. Et les dirigeants éthiopien et somalien, le général Mengistu d’un côté et Mohammed Siad Barre de l’autre, ont payé leur dépendance aux rapports de force de la Guerre froide.

C’était deux régimes d’inspiration stalinienne, deux alliés de l’Union soviétique : et pourtant, l’Éthiopie et la Somalie se sont fait la guerre. Ainsi en juillet 1977, au cours de la guerre de l’Ogaden. Une guerre où finalement tous les paradoxes de l’époque, toutes les contradictions des deux belligérants sont apparues au grand jour. Car côté somalien, l’armée de Mohammed Siad Barre, formée par l’Armée rouge, combat avec de l’équipement soviétique. Et côté éthiopien, des conseillers militaires dépêchés par Moscou – et par Cuba – viennent appuyer l’armée du général Mengistu Hailé Mariam.

En pleine Guerre froide, les régimes de ces deux pays avaient compté sur le soutien de Moscou. Alors, même si les réalités locales ont rapidement compliqué les choses, à partir de 1989, le déséquilibre international a rattrapé leurs deux dictateurs.

En Somalie, Siad Barre, lâché par Washington qui avait pris la suite de Moscou, a été débordé par des rébellions internes et, en janvier 1991, a dû quitter Mogadiscio.

Et en Éthiopie, quatre mois plus tard, Mengistu, ayant perdu son tuteur soviétique, a été chassé du pouvoir par les rebellions tigréenne et érythréenne.

C’est ainsi que dans ce coin de l’Afrique, l’URSS a entraîné deux géants dans sa chute.

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