Le styliste présentera sa collection le 23 janvier, lors de la semaine de la haute couture dans la capitale française.
Parti du Cameroun en 1992 pour s’installer en France, Imane Ayissi vient d’être sélectionné en tant que membre invité dans le très prestigieux calendrier officiel de la haute couture parisienne. Il présentera sa collection printemps-été le 23 janvier.
Quel chemin parcouru en 28 ans ! Ce créateur est en effet le premier styliste d’origine subsaharienne à se voir dérouler le tapis rouge de ce petit milieu fermé et hypersélect, un brin frileux sur ce qui ne lui ressemble pas tout à fait. « Comme si le monde de la mode se réveillait », veut croire une observatrice qui mise de longue date sur le potentiel des artistes noirs dans la mode européenne et avait repéré ce créateur hors normes il y a dix ans lors de la fashion week de Dakar. « Déjà il brillait très au-dessus des autres », se souvient-elle, frustrée qu’il fût alors trop tôt pour écrire sur lui. Le public n’était pas encore réceptif à cette autre façon d’appréhender la mode, venue d’Afrique.
Cette fois, ça y est. L’œil européen s’est un peu ouvert et les arts africains gagnent plus de place chaque année dans l’hémisphère nord. C’est vrai pour les arts : la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) consacre chaque année de nouveaux artistes africains. Et dans le domaine de la couture, le prix des jeunes créateurs de LVMH est revenu, pour la première fois cette année, huitième saison de cette récompense, à un Sud-Africain.
Un ambassadeur du continent
Mais entrer dans le calendrier officiel de la haute couture, c’est encore une autre affaire. Une reconnaissance suprême pour cet artiste âgé de 51 ans qui aura gravi toutes les marches et touché à tous les arts avant de sublimer les plus belles étoffes du continent, mélangeant des éléments des cultures africaines à des approches très européennes. « Ce qui est certain, c’est qu’Imane Ayissi ne présente pas une mode à l’occidentale. Il apporte autre chose, un peu comme les créateurs japonais il y a une vingtaine d’années », observe Emmanuelle Courrèges, une journaliste spécialisée et communicante.
En apprenant la nouvelle, Imane Ayissi s’est dit « heureux que mon travail soit reconnu, mais aussi touché que le patrimoine textile africain, qui traverse mes créations, soit ainsi célébré ». Pour celui qui a grandi au Cameroun entre un père boxeur et une mère mannequin, c’est « comme si quelque chose s’alignait enfin et qu’un nouveau chapitre de la mode s’ouvrait. L’Afrique si souvent fantasmée va pouvoir s’exprimer par elle-même, de manière authentique et dans tout ce qu’elle a de noble et luxueux, aux yeux de tous ».
Imane Ayissi est de longue date un ambassadeur de son continent. Cet habitué des fashion weeks parisiennes depuis 2013 a lancé sa griffe en 2001 et est régulièrement invité à montrer ses créations lors de festivals en France ou à l’étranger. Ancien danseur pour le Ballet national du Cameroun ou la compagnie de Patrick Dupond, il a aussi défilé comme mannequin pour des grandes marques de luxe telles Givenchy ou Yves Saint Laurent. De tous ses arts, c’est bien le stylisme qu’il a poussé le plus loin. Il s’y est initié dès l’enfance en confectionnant des robes pour sa mère.
Aujourd’hui, son statut de membre invité dans l’univers de la haute couture signifie qu’il pourrait prétendre, en termes de niveau, à rentrer dans le calendrier officiel comme membre permanent, mais que sa maison ne répond pas à tous les critères de la fédération. Pour Imane Ayissi ou d’autres maisons cette année, la place d’invité a été octroyée parce que les ateliers ne comprennent pas vingt personnes mais quelques membres seulement… Or le nombre de couturières ou de petites mains est aussi l’un des critères de la haute couture.