Friday, April 26, 2024
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Au Sénégal, l’incompréhensible positionnement d’Abdoulaye Wade

Les candidats de l’opposition sénégalaise comptent sur Abdoulaye Wade pour revenir sur son appel au boycott de la présidentielle du 24 février. Ils espèrent également bénéficier du réservoir de voix du PDS, formation politique de l’ex-chef d’État.

À Dakar, une nouvelle visite de l’ancien président Abdoulaye Wade est très attendue. Il avait appelé au boycott de la présidentielle prévue le 24 février, avant de se rendre à Conakry, en Guinée voisine. Alors que ses proches affirment à France 24 qu’une nouvelle prise de parole à Dakar est imminente, beaucoup s’interrogent sur le positionnement de l’ancien président : livrera-t-il un discours plus apaisé au point de donner des consignes de vote au profit d’un des quatres candidats de l’opposition ?

“Attendons qu’il vienne et qu’il fasse sa déclaration” déclare, prudent, Malick Gakou, ancien candidat à la présidentielle contacté par France 24 et soutien d’Idrissa Seck, qui fait figure de principal challenger du président sortant Macky Sall.

À peine revenu au Sénégal, Abdoulaye Wade s’est rendu en Guinée. Mi-février, l’ancien président, 92 ans, a été reçu par le président Alpha Condé en présence de l’ancien chef d’État français François Hollande, également en visite dans le pays. Selon plusieurs observateurs interrogés par France 24, l’ancien président sénégalais se serait laissé convaincre par le chef de l’État guinéen de revenir sur ses propos incendiaires tenus ces derniers jours. Mais officiellement rien n’a filtré de leur entrevue. “On n’a pas vraiment d’éléments sur ce qu’ils se sont dits. Pourquoi ce choix d’aller voir Alpha Condé ?” s’interroge Babacar Ndiaye, analyste politique pour le think tank Wathi basé à Dakar, contacté par France 24.

Le 7 février, l’ancien président sénégalais, dépité de l’invalidation de la candidature de son fils Karim Wade, condamné en 2015 à  six ans d’emprisonnement pour enrichissement illicite, a carrément appelé les Sénégalais à brûler leurs cartes d’électeur et les listes électorales. “Nous décidons de nous attaquer aux bureaux de vote pour qu’il n’y ait pas d’élection. Il suffit de prendre un peu d’essence pour brûler la liste des électeurs. Et ce n’est pas un délit. Ce sont des bulletins de fraude, qui participent à un système de fraude. C’est le devoir des citoyens de les détruire”, avait alors affirmé Abdoulaye Wade devant des partisans.

Vent d’incertitude

Après deux ans d’absence, au cours desquels il a notamment résidé en France, son appel au boycott de la présidentielle, qu’il juge “verrouillée” par le parti au pouvoir au service d’une réélection de Macky Sall, a suscité la polémique. “Macky Sall a déjà son pourcentage, 55 % ou 65 %. Le sachant, ne vous ridiculisez pas en participant à cette élection”, avait affirmé “Gorgui” (le vieux en wolof) qui n’entendait pas adouber une autre candidature que celui de son fils, exilé au Qatar.

>> À voir aussi : Quel bilan économique pour le président sénégalais Macky Sall ? (1/5)

Mais bien que cet appel ait reçu un accueil mitigé au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS), sa formation politique, des partisans des quatre autres candidats opposés à Macky Sall et de la société civile, cette attitude laissait planer une incertitude sur le bon déroulement du scrutin.

“Il est quand même extraordinaire qu’un ancien président de la République appelle publiquement et de façon soutenue à l’insurrection en demandant de procéder à la destruction des bureaux de vote et au sabotage du scrutin. Une telle posture pose un réel problème qui va dans le sens de compromettre la tenue normale des élections au Sénégal”, s’est insurgé par la suite Abdou Aziz Mbaye, conseiller spécial de l’actuel chef de l’État.

Pour Pierre Atepa Goudiaby, ex-candidat qui a l’oreille d’Abdoulaye Wade, l’appel au boycott s’est fait “sous le coup de l’émotion d’un père qui a vu que de manière tout à fait injuste son fils élmininé d’un processus démocratique. Et je suis sûr qu’à son retour de Conakry, il va appeler à un discours d’apaisement. Comme vous le savez, il s’est toujours battu pour la démocratie”.

Électorat convoité

Si du côté de l’opposition, on espère un changement de ton de la part de l’ancien chef d’État, on attend surtout qu’Abdoulaye Wade donne des consignes de vote. Le PDS est la deuxième force politique du pays avec 19 députés à l’Assemblée nationale. Lequel des candidats de l’opposition profitera donc de cette réserve de voix ? “Il a un véritable poids électoral et des consignes de vote au profit d’un candidat pourraient faire la différence. Mais pour l’instant il ne soutient personne. On ne comprend d’ailleurs pas cette stratégie”, affirme Babacar Ndiaye, l’analyste politique.

>> À voir aussi : Qui sont les cinq candidats de la présidentielle au Sénégal ?

Abdoulaye Wade pourrait bien soutenir Idrissa Seck, qui a été son Premier ministre entre 2002 et 2004 avant d’entrer en disgrâce. Il fédère une large coalition de l’opposition autour de lui, et a déjà reçu le soutien de l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall, condamné à cinq ans de prison pour escroquerie. Wade connaît également le candidat Madické Niang, son ancien ministre des affaires étrangères. Mais ce dernier a pris ses distances du PDS face au refus du “Vieux” de n’adouber que son fils Karim Wade. “Personne ne s’attendait à une candidature de Madické Niang. Mais il a pris ses dispositions, il a organisé sa stratégie et il a pu passer l’étape des parrainages”, explique Babacar Ndiaye.

Le choix de Wade peut aussi se porter sur Ousmane Sonko, la figure montante de l’opposition sénégalaise qui tient un discours anti-système et jouit d’un capital sympathie auprès des jeunes. En 2016, cet ancien inspecteur des impôts avait été radié de la fonction publique après avoir dénoncé des malversations dans la gestion du pétrole et du gaz. “Nous espérons que les consignes de vote d’Abdoulaye Wade seront en faveur de notre champion.  C’est le candidat de la rupture” explique Pierre Atepa Goudiaby, qui soutient l’ancien haut fonctionnaire. “Il pourrait bien soutenir Idrissa Seck ou pourquoi pas Issa Sall. Ce que nous ne voulons pas, c’est un appel au boycott”, insiste-t-il.

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