Saturday, April 27, 2024
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Hong Kong, un an après le début des manifestations: entretien avec le député Fernando Cheung

Un policier tente de disperser des manifestants à Hong Kong, le 8 mars 2020.
Un policier tente de disperser des manifestants à Hong Kong, le 8 mars 2020. REUTERS/Tyrone Siu

Il y a un an à Hong Kong commençaient les manifestations contre le projet de loi qui devait permettre à Pékin de juger en Chine continentale n’importe quelle personne arrêtée dans l’île-citée. Après des mois de manifestations gigantesques, le projet de loi sera finalement retiré en septembre dernier mais les manifestations ne cessent pas : dans les rues, les Hongkongais demandent en masse une enquête indépendante sur les violences policières, plus de démocratie et l’amnistie pour les manifestants arrêtés. Finalement, c’est le coronavirus qui, empêchant les Hongkongais de sortir dans les rues, a quasiment suspendu un mouvement dont la durée a défié tous les pronostics. Christophe Paget a joint à Hong Kong le député pro-démocratie Fernando Cheung, qui avait commencé à manifester dès les premiers rassemblements, il y a un an.

Êtes-vous confiné chez vous à cause du Coronavirus ?

Fernando Cheung : Je ne suis pas chez moi, je continue à aller au bureau tous les jours, car en tant que député j’ai une responsabilité. Mais beaucoup de gens restent chez eux ; beaucoup ont perdu leur travail, ou on leur a demandé de rester à la maison sans salaire ; certains ont vu leurs heures de travail réduites. Donc la situation est mauvaise, les gens ne sont pas heureux, et si vous regardez les rues, même dans les zones les plus commerçantes,on a rarement vu aussi peu de gens.

Aujourd’hui, il n’y a plus de manifestations. Est-ce que le Coronavirus a réussi là où le gouvernement hongkongais a échoué ?

En fait, tous les 21 et 31 de chaque mois, il y a des manifestations : d’abord en référence au 21 juillet de l’année dernière, quand la police a permis à des centaines de voyous d’envahir les rues du district de Yuen Long, vêtus de T-shirts blancs et armés de cannes et de bâtons, frappant aveuglément tous ceux qui croisaient leurs chemins. Ils les ont même chassés jusque dans le métro. Ça a été un tournant : les Hongkongais ont commencé à sérieusement douter que la police soit capable de les protéger. Une autre manifestation a lieu tous les 31 du mois, en mémoire du 31 août dernier, quand la police a envahi une station de métro pendant une manifestation, et a non seulement dispersé les gens mais les a aussi roués de coups, jusque dans les wagons. Selon la rumeur, ils auraient même tué plusieurs personnes.

Donc chaque mois, le 21 et le 31, il y a des manifestations, dans les rues ou dans le quartier de Yuen Long. Il y a deux jours, ils étaient encore quelques centaines de personnes, mais la police essaie d’empêcher ces manifestations très en amont. A cause du Coronavirus, le gouvernement a interdit toutes les réunions de plus de quatre personnes. Et la police s’en sert pour disperser la foule, même si pour ce que j’en comprends les manifestants se rendent sur les lieux par groupes de trois ou quatre maximums. Mais quand ils arrivent sur les lieux du rendez-vous, la police commence à les disperser et procède également à des arrestations au nom de cette nouvelle réglementation due au coronavirus.

Il y a donc toujours des manifestations, mais moins importantes.

Oui, les manifestations ont lieu beaucoup moins souvent et la participation a sensiblement baissé à cause du coronavirus. Mais la population ressent toujours la même chose : bien sûr les gens s’inquiètent davantage du coronavirus, et à cause de la distanciation sociale demandée, les gens ne peuvent pas se réunir et montrer leur mécontentement. Mais pour ce que je peux en voir, le sentiment général est toujours de « ne pas faire confiance au gouvernement ». Et quand l’épidémie sera terminée,je pense que les manifestations reviendront, d’autant plus qu’il y a des élections en septembre pour le Conseil législatif – l’équivalent à Hong Kong du Parlement. Ce sera un évènement extrêmement important, pendant lequel les deux camps opposés – le camp pro-Chine et pro-gouvernemental contre le camp prodémocratie – vont se présenter l’un contre l’autre. Et je pense qu’à cause de cela, les manifestations et les confrontations vont continuer.

Le fait est que selon un sondage du Hong Kong Public Opinion Research, 63% des Hongkongais interrogées demandent toujours la démission de Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif ; 68% veulent le suffrage universel ; et 76% exigent une commission d’enquête sur les violences policières commises pendant les manifestations. Ces chiffres sont beaucoup plus importants qu’il y a quatre mois, avant le coronavirus. Pourquoi ?

Parce que le gouvernement n’a pas changé, il agit toujours de la même manière, et la police est, elle aussi, toujours aussi agressive. La fréquence des manifestations et des confrontations a baissé à cause du coronavirus, mais les gens n’ont donc pas changé d’idée. Quand nous avons été frappés par la pandémie au début de l’année, le gouvernement a mis beaucoup de temps à répondre. Depuis, à chaque nouvel épisode, il ne semble pas réactif. Et quand ils finissent par répondre, les choses sont devenues bien pires. Au début, comme le virus semblait venir de Chine continentale, de Wuhan et de la province de Hubei, les Hongkongais ont demandé que l’on empêche les gens venant de cette région de venir à Hong Kong. Le gouvernement n’a pas écouté. Et quand la contagion s’est étendue au reste de la Chine, il a finalement décidé d’empêcher les gens de venir de Wuhan, mais c’était trop tard : la contagion s’était étendue à d’autres provinces. Des gens dans la société civile ont alors demandé que la frontière ente Hong Kong et la Chine continentale soit fermée. Refus total du gouvernement. A chque étape, le gouvernement a réagi avec beaucoup de retard, donc les gens n’ont pas changé d’opinion : ils ne sont absolument pas satisfaits du travail de la cheffe de l’exécutif, ils continuent à demander le suffrage universel et une enquête indépendante sur la police. Donc le résultat de ce sondage ne me surprend pas : les gens que je connais ressentent la même chose.

Vous étiez à la première manifestation, il y a un an, le 31 mars, où vous avez rejoint le mouvement plus tard ?

En fait c’était la deuxième marche, il y en a eu une un peu plus tôt je crois. Et oui, j’y étais, parce que, en tant que député nous savions que nous devions nous opposer à cette loi d’extradition, qui pouvait avoir des conséquences majeures et sur le long terme en limitant la liberté des Hongkongais. Donc très tôt, nous nous y étions opposés, et nous voulions que les gens à Hong Kong comprennent les conséquences de cette loi draconienne.

Pendant cette année de manifestations, est-ce que Hong Kong et sa population ont changé ?

Oui, absolument. Il n’y a qu’à écouter les slogans des manifestants : au début, nous disions « Hongkongais, en avant », pour encourager les gens à continuer, nous essayions de construire une solidarité, d’encourager le reste de Hong kong à s’unir pour combattre cette loi. Après, nous avons senti que le gouvernement ne réagissait pas, utilisait la violence policière contre les gens, et se servait en fait de la police pour résoudre un problème politique. Et ensuite nous avons vu que la violence et la police échappaient à tout contrôle. La police continuait de frapper les gens, de torturer les manifestants, dans les rues et les commissariats de police. Et il y a eu beaucoup d’étranges suicides de jeunes. La rumeur et certaines personnes qui avaient participé aux manifestations estimaient que la police les avait tués. Donc c’est pour cela que dans la troisième phase, les gens ont demandé vengeance.

On est parti du fait d’essayer d’être ensemble pour résister à ce qui était imposé aux Hongkongais, à être choqués par l’utilisation du gouvernement des violences policières contre ces gens, et enfin être furieux et ressentir une telle colère et une telle rage que cela devient de la haine. Et demandant donc à se venger.

Maintenant, à cause du coronavirus, ces voix ne sont pas aussi apparentes, certains sont peut-être passés dans la clandestinité. La police a arrêté plusieurs personnes qui confectionnaient des bombes. Evidemment, nous refusons ce genre de violence. Mais cela montre que le mouvement est devenu tellement désespéré et plein de colère que certains se sont peut-être tournés vers cela. C’est donc devenu assez dangereux.

Vous le disiez, ce sont bientôt les élections. Vous allez vous présenter une nouvelle fois ?

Non. Je suis député depuis 2004, si l’on excepte la période 2008-2012. J’ai 63 ans, je ne me considère pas comme très vieux, mais je pense que l’on doit donner plus d’opportunités à la jeune génération. Donc je ne serai pas candidat, mais il y aura de nombreux jeunes, qui n’ont jamais fait de politique avant, qui vont se présenter. Et j’espère qu’en septembre, nous continuerons à avoir la majorité du soutien populaire. Mais pour nous, il sera presque impossible d’avoir plus de la moitié des sièges, à cause d’une structure politique biaisée, et du système électoral. Notre objectif reste quand même d’avoir plus de sièges.

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