Au sud du Mexique, une caravane de 3 500 migrants fuyant les conditions de vie d’Amérique centrale a tenté en début de semaine de continuer son périple vers les États-Unis, où elle entend demander l’asile. Mais le Mexique s’est chargé de les empêcher de continuer leur route. Pourtant, le président mexicain n’a pas toujours observé une telle politique de fermeture des frontières face aux migrants.
De notre correspondante au Mexique,
La caravane de migrants est arrivée ce week-end à la frontière entre le Mexique et le Guatemala, et la situation est devenue assez confuse. Les autorités mexicaines ont d’abord promis à certains qu’ils pourraient avoir du travail dans la région. Mais très vite il est devenu évident que les migrants qui s’étaient pliés à ces formalités seraient en fait expulsés vers leur pays d’origine. Et quand d’autres migrants ont donc décidé de traverser la frontière par le fleuve qui sépare le Mexique du Guatemala, ils ont été reçus sur la rive mexicaine avec des gaz lacrymogènes.
Les images montrent des scènes de chasse des autorités qui plaquent les migrants au sol ou les immobilisent à l’aide de clés de bras. La caravane a été rapidement démantelée par des forces de l’ordre mexicaines qui ont envoyé un message très fort : désormais, les portes du Mexique sont fermées aux migrants. Pourtant il y a un an, une large caravane de 7 000 personnes avait franchi cette même frontière sans encombre.
La caravane des migrants d’octobre 2018 très médiatisée
Mais il y a un an les caméras du monde entier étaient braquées sur un phénomène d’une ampleur encore jamais vue : 7 000 migrants s’étaient rassemblés en une immense caravane, en route vers les États-Unis. Ils étaient tellement nombreux qu’on parlait alors d’un « exode ». Fin 2018, ils avaient franchi en masse ce même fleuve sans que les forces de l’ordre ne les en empêchent. Ce succès a inspiré beaucoup d’autres personnes à se lancer sur les routes migratoires. De plus en plus de migrants se sont présentés à la frontière avec les États-Unis. En juin dernier, Donald Trump a donc menacé le Mexique de lui imposer de lourdes taxes sur ses exportations. Pour y échapper, le Mexique a accepté de militariser sa frontière sud pour tarir le flux de migrants. Les activistes du secteur soulignent que c’est comme si les États-Unis avaient externalisé leur frontière : comme si le mur de Trump commençait en fait à la frontière entre le Mexique et le Guatemala. Et ça a fonctionné : entre mai et septembre de l’an dernier, le flux migratoire s’est réduit de moitié, selon les autorités mexicaines.
Andrés Manuel Lopez Obrador, le discours et les actes
Une chose cependant n’a pas changé : c’est le discours du président mexicain, très attaché au respect des droits de l’homme des migrants. Et c’est peut-être ce qui est le plus surprenant. Andrés Manuel Lopez Obrador est un président qui se revendique de gauche et qui a toujours prôné une politique migratoire humaniste. Si dans les faits, il a radicalement durci son approche, son discours, lui n’a pas changé. Cela donne des incohérences énormes, où l’administration se félicite d’avoir garanti les droits des migrants quand de nombreuses ONG ont documenté sur le terrain l’exact opposé.
Le président mexicain insiste aussi beaucoup sur le fait que le Mexique veut traiter les causes de fond de la migration, comme la pauvreté, et qu’il va financer 60 000 emplois dans les pays d’Amérique centrale. Or, énormément de personnes fuient surtout la violence de la région, pas par choix, mais pour sauver leur vie. De l’avis des spécialistes, le flux migratoire ne va pas se tarir… Il va simplement retourner dans l’ombre : les migrants vont à nouveau avoir recours à des passeurs pour voyager clandestinement. Cela signifie qu’ils redeviennent des proies faciles pour le crime organisé et les autorités corrompues. Les activistes avertissent que Lopez Obrador, sous couvert d’un discours humaniste, est donc en train de les pousser vers le danger.