Pour la première fois de l’histoire moderne du pays, l’Éthiopie va avoir un Premier ministre Oromo. L’ethnie la plus nombreuse accède donc enfin à la plus haute fonction de l’État.
Abiy Ahmed devrait être confirmé sans problème par le Parlement, dont les membres font tous partie de la coalition EPRDF, au pouvoir depuis près de 27 ans. Une nouvelle accueillie de manière positive par les protestataires oromos qui réclament un meilleur partage du pouvoir et des fruits de la forte croissance économique du pays de la Corne de l’Afrique. Pourtant, l’opposition oromo reste prudente.
Optimiste mais prudent. C’est ainsi que se décrit Merera Gudina, le président du Congrès fédéraliste oromo, emprisonné pendant plusieurs mois entre 2016 et 2018. Selon lui, ce n’est pas une question de personne : « Le parti ne modifie pas sa façon de penser, jusqu’ici il ne cherche pas à changer de raisonnement pour trouver des solutions. Donc savoir si Abiy pourrait changer, en fait ça dépend de la volonté du parti de changer. S’il n’est pas prêt, je ne pense pas qu’Abiy puisse faire grand-chose. »
Et Merera de fixer plusieurs objectifs à Abiy Ahmed : fin de l’Etat d’urgence, réinstauré mi-février, libération de tous les prisonniers qu’il considère comme « politiques » et ouverture de l’espace politique avec un dialogue national.
D’après l’analyste Awol Allo, universitaire au Royaume-Uni, si cette promesse de libéralisation politique faite en janvier dernier est tenue, l’opposition pourra se réorganiser et mobiliser à nouveau.
Une hypothèse que ne partage pas Yilikal Getnet, une autre figure d’opposition, interrogée par Associated Press. Selon lui, ce changement de Premier ministre n’a « rien à voir avec la démocratisation » mais montre simplement « l’instabilité » au plus haut niveau.
«Il est le seul candidat qui puisse sauver la coalition au pouvoir»
Pour le journaliste oromo Mohamed Ademo, le parti au pouvoir n’avait d’autre choix que de choisir Abiy Ahmed. « Il est le seul candidat qui puisse sauver la coalition au pouvoir depuis 1991. Le pays fait face à un important mouvement de contestation depuis plus de 2 ans. La plupart de ces manifestations proviennent de la région d’Oromia, d’où est originaire Abiy Ahmed. Le pouvoir en place devait faire des concessions auprès des manifestants et une façon de faire cela aura été de choisir quelqu’un qui avait une réelle légitimité et un soutien sur le terrain dans cette région. Abiy ahmed a ce profil, d’autant plus qu’il a occupé le poste de vice-président de la région d’Oromia en 2016 dans le but d’apaiser la contestation. C’est donc un candidat de nécessité, dont la coalition au pouvoir avait besoin pour remettre le pays d’aplomb. »
rfi