Un duel de titans avec Lula à la présidentielle brésilienne en 2022 peut sembler une aubaine pour un Jair Bolsonaro adepte de la confrontation permanente, mais le vieux lion de gauche n’en reste pas moins un adversaire redoutable.
Luiz Inacio Lula da Silva n’a pas attendu longtemps pour partir à l’attaque: mercredi, s’exprimant pour la première fois en public depuis qu’il a recouvré ses droits politiques, il a tiré à boulets rouges sur le président d’extrême droite.
Et l’ancien syndicaliste a décidé d’appuyer sur un point sensible: la gestion calamiteuse de la pandémie de coronavirus — qui a fait plus de 273.000 morts au Brésil — fustigeant les “décisions imbéciles” du gouvernement Bolsonaro.
Quelques heures plus tard, le chef de l’Etat a surpris tout le monde en portant un masque lors d’une cérémonie officielle, lui qui avait multiplié les apparitions publiques à visage découvert.
Jair Bolsonaro a vanté le “sérieux et la responsabilité” de son gouvernement face à la crise sanitaire, avant de promulguer une loi facilitant l’acquisition de vaccins.
Un comble pour ce dirigeant qui assurait qu’il ne se ferait pas vacciner et ironisait sur de supposés effets secondaires susceptibles de “transformer les gens en crocodiles”.
Déjà l’effet Lula? Sauf nouveau coup de théâtre judiciaire, l’ex-président de gauche (2003-2010) est éligible pour briguer un troisième mandat, après l’annulation lundi par un juge de la Cour suprême de toutes ses condamnations pour corruption.
Une vraie renaissance pour ce tribun charismatique de 75 ans, qui avait passé 18 mois en prison d’avril 2018 à novembre 2019 et avait assisté impuissant, depuis sa cellule, à l’élection de Jair Bolsonaro il y a deux ans et demi.
Et même s’il n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, l’ancien tourneur-fraiseur s’est clairement affiché comme le leader de l’opposition.
– “Charogne” –
De quoi raviver encore les profondes divisions d’une société brésilienne déjà ultra-polarisée, un terreau propice pour le discours d’extrême droite de Jair Bolsonaro.
“Bolsonaro est un homme politique forgé dans les flammes de la confrontation. Il a besoin d’un ennemi et rêvait de ce retour de Lula dans l’arène”, estime Marcio Coimbra, politologue de l’université Mackenzie de Brasilia.
Loin des cérémonies officielles, dans son direct hebdomadaire sur Facebook, il n’a pas hésité à traiter jeudi Lula de “taulard” ou de “charogne”.
Mais son changement de discours sur l’importance des vaccins montre qu’il semble disposé à mettre de l’eau dans son vin, pour tenter de ramener vers lui l’électorat centriste.
Il espère aussi rassurer les milieux d’affaires, qui l’ont soutenu contre la gauche en 2018, séduits par son programme économique ultra-libéral, mais qui s’inquiètent de voir la vaccination patiner à cause du manque de mobilisation du gouvernement pour acquérir des doses.
Même si le message peut sembler confus pour son noyau dur de partisans plus extrémistes, “on ne peut pas gagner des voix en étant contre le vaccin”, explique à l’AFP Michael Mohallem, professeur de Droit à la Fondation Getulio Vargas.
“Cela est moins risqué pour lui d’avoir l’air d’une girouette que de payer le prix d’un discours antivaccin”, poursuit-il.
– Bolsonaro “plus radical” –
À l’instar de l’ex-président américain Donald Trump, dont il est un fervent admirateur, Jair Bolsonaro, 65 ans, aura un sérieux handicap à surmonter s’il veut se faire réélire: il ne peut plus se présenter comme un outsider, un candidat antisystème.
“Il n’est plus une nouveauté”, insiste M. Mohallem, qui pense également que le discours ultra-agressif et les dérapages à répétition pourraient nuire au président sortant dans un éventuel duel avec Lula.
“Bolsonaro semble plus radical, et Lula plus mature et raisonnable”, conclut-il.
Mais Lula demeure un épouvantail pour ceux qui espèrent une troisième voie, avec un candidat capable de recentrer les débats loin d’un duel des extrêmes.
Le quotidien Estado de Sao Paulo a ainsi appelé de ses voeux dans un éditorial l’émergence d’un candidat “qui parle aux électeurs qui sont lassés aussi bien de la corruption de Lula que de la folie de Bolsonaro”.
Mais, parmi une demi-douzaine de prétendants, aucun candidat centriste ne se dégage pour le moment pour venir troubler le duel de titans attendu en 2022.
Afp