ANALYSE. Face à la montée progressive de la menace terroriste, l’État est sollicité sur plusieurs fronts à la fois, ce qui ne facilite pas sa stratégie.
Le Burkina Faso, qui avait échappé jusque-là à l’instabilité régionale causée par la chute du régime libyen en 2011, a vu sa résilience s’effriter progressivement par les soubresauts politiques connus par le pays à la suite de l’insurrection populaire de l’automne 2014. Depuis cette période, le Burkina Faso présente un environnement sécuritaire précaire, soumis à des périls divers. Depuis 2016, le pays est ainsi menacé par des groupes djihadistes venus du Mali et qui ont trouvé dans la région du Sahel burkinabè un terreau propice pour se développer.
Progressivement, le djihadisme est devenu endogène, incarné par certaines figures burkinabè comme l’imam Malam Dicko. Si ces groupes djihadistes utilisent toujours le Mali comme base arrière, ils s’appuient de fait, en grande majorité, sur des citoyens du Burkina Faso.
Certains opéraient au Mali depuis 2012 dans les rangs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et Ansar Dine à Tombouctou, ou dans les rangs du Mouvement pour l’unification et le jihad en Afrique de l’Ouest(Mujao) dans le Gourma et dans le cercle d’Ansongo. Ils ont réorienté leurs actions sur le Burkina Faso à partir de 2016. D’autres, nouvellement engagés dans la nébuleuse djihadiste, ont été recrutés sur la base de facteurs proprement locaux – qu’ils soient sociaux, religieux, économiques ou politiques.
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Une forte expansion géographique
Si la région du Sahel reste un sanctuaire pour les groupes djihadistes évoluant au Burkina, ils n’ont eu de cesse de changer de stratégies en s’adaptant à l’évolution de la situation, et d’y étendre leurs attaques d’ouest en est en prenant le soin de faire à chaque fois la jonction entre les différentes zones : dans les régions du Nord et de la Boucle du Mouhoun depuis 2017, et jusqu’à la région de l’est du pays depuis le printemps 2018. Mais, depuis le début de l’année 2019, les régions qui concentrent les plus grands nombres d’attaques sont le centre-nord et le Sahel.
Leur zone d’action a changé et s’est donc énormément étendue, de façon progressive et méthodique. L’année 2019 semble être une phase de consolidation des zones occupées avec une forte pression et un harcèlement régulier et intense sur toutes les provinces du Sahel, et particulièrement celle autour de la région du centre-nord qui semble être désormais leur cible privilégiée.
Cet enchaînement bien orchestré et méthodique pourrait laisser croire qu’une stratégie bien élaborée a été mise en place et qu’un agenda et/ou un plan seraient en train d’être déroulés sans encombre. Car la réponse des autorités paraît inadaptée devant un ennemi qui semble être chaque fois en avance et disposer d’une capacité d’anticipation sur les stratégies mises en place par l’État.
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Focalisation sur les zones rurales
Le mode de conquête des groupes terroristes semble être focalisé sur les zones rurales, là où l’absence de l’État est marquée, mais aussi paradoxalement par sa présence. Les populations délaissées par le pouvoir central se sont retrouvées face à des groupes extrémistes, ces derniers pouvant distiller leurs discours radicaux au sein des communautés d’autant plus facilement qu’aucune autorité n’était présente pour déconstruire leurs discours. Ce qui a permis d’accentuer davantage cette mauvaise perception que les populations ont de l’État.
À l’inverse, donc, sa présence a parfois contribué à faire basculer la population du côté des groupes extrémistes, celui-ci étant perçu dans certaines zones comme l’entité qui réduit les opportunités des populations rurales au profit des populations urbaines (vente des terres, des réserves, industrialisation du secteur minier aux dépens de l’exploitation artisanale). Une telle situation a été très bien exploitée par les groupes extrémistes pour s’implanter.
Ils ont ainsi créé des sanctuaires là où l’État a produit de la violence. La particularité des groupes extrémistes au Burkina, c’est qu’ils ne s’installent pas dans les zones qu’ils ont conquises. Ils ont adopté un style de gouvernance à distance aidée par l’absence de l’État en profitant de la faiblesse du maillage sécuritaire.Lire aussi Terrorisme – Philippe Migaux : « Iyad ag Ghali veut changer de dimension »
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Un recrutement de plus en plus local
À l’origine, les combattants des groupes terroristes au Burkina étaient majoritairement exogènes et les recrutements se faisaient en dehors des frontières burkinabè. Les premières attaques sur la capitale Ouagadougou ont été revendiquées en janvier 2016 par Aqmi.