Au Burundi, 8 habitants de Bujumbura sont détenus par la police depuis trois jours. Ils ont été arrêtés samedi dernier avec 46 autres personnes alors qu’ils se trouvaient dans un bar. La raison ? Tous font partie d’un groupe de discussion sur le réseau social WhatsApp, qui permet d’échanger via internet des messages instantanés à peu de frais.
Selon la police, ces personnes faisaient circuler des rumeurs et des informations diffamantes via WhatsApp. Mais pour l’Observatoire de la presse burundaise, les autorités cherchent surtout à finaliser le blackout sur l’information dans le pays.
Selon le porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Pierre Nkurikiye, ces actes relèvent de la « cybercriminalité ». « Ils s’apprêtaient à diffuser d’autres propos diffamatoires et injurieux. Ils s’étaient rassemblés pour pouvoir mettre les dernières retouches et la police a été informée et les a surpris. Elle a appréhendé toutes ces personnes puis elle a relaxé celles qui étaient innocentes et qui se trouvaient là. La police a gardé les huit. »
Pierre Nkurikiye explique que, selon lui, ces groupes de discussions sont à l’origine de la diffusion de fausses informations. « Cette criminalité a été une source de chaos dans le pays, surtout au moment de l’insurrection. Beaucoup de Burundais avaient fuis suite aux rumeurs et aux informations mensongères qui avaient été propagés par ces groupes et aussi par certains médias. Alors qu’en réalité, il n’y avait rien. »
Développement des réseaux sociaux
Mais selon plusieurs sources, ce groupe WhatsApp servait surtout à relayer des bulletins d’information sur l’actualité burundaise. Depuis la destruction des principales radio privées lors de la tentative de coup d’Etat en mai 2015, les réseaux sociaux, auparavant peu développés au Burundi, ont vu leur fréquentation augmenter de façon exponentielle et sont devenus le principal vecteur d’information pour nombre de Burundais.
Innocent Muhozi est directeur de l’une des radios indépendantes détruites en mai 2015 et président de l’Observatoire de la presse burundaise. Selon lui, ce n’est pas après les rumeurs ou les propos diffamants que courent les autorités mais après les informations produites par les journalistes qui se sont réorganisés depuis leur exil.
« Avec la fermeture des voies classiques d’expression, les gens se sont rabattus sur les réseaux sociaux, qui se sont développés de manière exponentielle. Une fois que vous attaquez à coups de roquette, de fusils mitrailleurs les radios indépendantes, qu’est-ce que vous ne pouvez pas faire ? Mais les journalistes n’ont pas baissé les bras puisque ils se sont mis à faire des éditions à travers, justement, les réseaux sociaux. Et ça circule par WhatsApp énormément. Il y a des centaines de milliers de gens qui, chaque jour encore, s’informent grâce à informations qui circulent dans WhatsApp. »
« Blackout » médiatique
Le président de l’Observatoire de la presse burundaise explique qu’aujourd’hui cette application est une dernière source d’information libre. « C’est vraiment devenu le seul moyen pour les gens de garder contact avec les réalités de leur pays, sans que ça soit la voix unique, qui est celle des médias sous-contrôle de l’Etat. Donc ils essaient en fait de finaliser le blackout qu‘ils ont instauré dans le pays. »
Innocent Muhozi rappelle que le réseau social WhatsApp est également un outil utilisé au quotidien par les habitants de Bujumbura comme un système d’alerte en cas d’enlèvement, d’arrestation par les services de sécurité, pour retrouver des personnes disparues ou encore pour dénoncer les responsables d’exactions.
rfi