Le président ivoirien a présenté ce mercredi 5 octobre le projet de nouvelle Constitution à l’Assemblée nationale. Il confirme ainsi la création d’un Sénat et du poste de vice-président. De son côté, l’opposition continue de dénoncer « une dérive monarchique du pouvoir » alors que Mamadou Koulibaly, le président du Lider, a été brièvement arrêté dans la matinée.
Le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, a ouvert cette session qu’on peut qualifier d’historique, saluant les présences conjointes du président Alassane Ouattara, mais aussi de l’ex-chef de l‘Etat, Henri Konan Bédié dans l’hémicycle.
Le patron de l’Assemblée nationale a prononcé ainsi quelques formules imagées à propos de l’action passée du président Félix Houphouët-Boigny qu’il qualifie de « président fondateur ». Avant d’évoquer Alassane Ouattara et de le désigner comme le « président réformateur » sous les applaudissements des députés.
« Je suis devant vous pour tenir cet engagement »
Plus qu’une réforme, c’est une nouvelle Constitution que le chef de l’Etat ivoirien a ensuite brandie face aux députés. « Aujourd’hui, le temps est venu de définir ensemble ce que nous voulons vraiment bâtir comme nation. Le temps est venu de décider de ce que nous allons léguer à nos enfants et aux générations futures », a déclaré solennellement Alassane Ouattara.
Et de poursuivre : « Je m’étais engagé à doter notre pays d’une nouvelle Constitution, celle de la troisième République. Je suis devant vous pour tenir cet engagement. »
« Un acte de responsabilité et d’amour »
Résumant l’esprit du texte, le chef de l’Etat a insisté sur ce nouveau contrat social qui doit conforter la paix et la stabilité dans le pays. « Je veux le meilleur pour la Côte d’Ivoire et pour mon peuple. Cette nouvelle Constitution doit être prise comme un acte de responsabilité et d’amour. Je vous exhorte à porter la bonne parole dans vos différentes circonscriptions », a conclu le président ivoirien avant de repartir de l’Assemblée nationale.
C’est à présent au tour des députés d’étudier les 184 articles de cette Constitution. Certains élus indépendants, comme le groupe Espérance, ont émis des réserves. D’autres, comme le député Kouadio Konan Bertin du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ont regretté le côté hâtif de cet examen, car le président Ouattara souhaite que ce texte soit validé au plus vite pour être soumis à un référendum le 30 octobre 2016.
Un dispositif de sécurité imposant
Un important dispositif sécuritaire a été déployé dans le quartier des affaires du Plateau de la capitale ivoirienne. Le secteur de l’Assemblée nationale était entièrement bouclé par des hommes en armes. Il est juste impossible de passer ce matin tout près de la maison des députés.
Les membres de l’opposition, qui se rendaient sur l’Assemblée nationale, ont été empêchés d’approcher l’hémicycle. Le président du Lider, Mamadou Coulibaly, qui s’y rendait, a été interpelé au niveau de la cathédrale Saint-Paul vers 8 heures. Il a été relâché quelques heures après. « Alassane Ouattara veut montrer aux yeux du monde que ce projet ne souffre d’aucune contestation, nous comptons prouver le contraire », a-t-il précisé. Il a aussi ajouté que son parti s’opposera à son projet de Constitution jusqu’au jour même du référendum.
Autre figure de l’opposition : Pascal Affi N’Guessan, qui avait prévu un sit-in devant l’Assemblée nationale. Le président du FPI l’a finalement annulé après une rencontre avec le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko. Il appelle cependant à une mobilisation de ses militants pour une marche de protestation samedi 8 octobre.
Les députés à marche forcée
Si l’atmosphère était solennelle au moment du discours du président, Ouattara après son départ, l’Assemblée s’est un peu dissipée : « On ne va pas passer la journée à se disputer. On aurait dû laisser le président se re-présider, il y aurait eu moins de ferveur ». La présidente de séance a eu bien du mal à obtenir que les députés s’entendent sur le calendrier de quatre jours pour adopter le texte.
Pour certains comme le député Kouadio Konan Bertin, ancien adversaire d’Alassane Ouattara à la présidentielle, le délai est trop court pour faire un travail sérieux : « Pourquoi faire voter une telle Constitution dans la précipitation ? Là où les experts ont passé quatre mois pour rédiger la Constitution, 255 députés, je n’en connais pas un seul qui soit expert. Quand on dit que vendredi on commence le débat, le mardi on vote le texte, il y a quelque chose qui ne va pas ».
Pour d’autres élus comme la RDR Mariam Traoré, députée de Tengrela, il n’y a pas de doute, le texte sera adopté : « Nous avons connu la guerre, les viols, les violations des droits de l’homme, 3 000 morts. Aujourd’hui, nous avons un avant-projet de loi qui va beaucoup, beaucoup soulager tous les Ivoiriens ». Même avis pour Bamba Sogona élue RDR de Tafiré : « Nous ne sommes pas des béni-oui-oui, je pense qu’il y a des aménagements à faire et je pense que le président ne sera pas réfractaire à ces changements ».
Après un vote rondement mené, la majorité a tranché. La Constitution élaborée pendant quatre mois sera validée ou non en quatre jours et soumise au vote en séance plénière mardi prochain.
rfi