Un road trip dans le désert libyen aurait ressemblé à un voyage en enfer il y a encore quelques mois, mais avec le cessez-le-feu signé en octobre, des Libyens sont partis à l’aventure dans leur pays, “pour la paix” et la relance du tourisme intérieur.
Si les visiteurs étrangers ne sont pas encore de retour –la plupart des pays déconseillent formellement à leurs ressortissants de s’y rendre–, quelque 1.000 Libyens, lassés par des années de conflits, profitent de l’arrêt des combats pour voyager à bord de 300 4×4 dans leur pays plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Le cessez-le-feu signé en octobre entre les belligérants a permis le lancement de ce convoi inédit à la découverte des vastes étendues du Sahara libyen.
“Regardez l’enthousiasme des préparatifs avant le départ de cette grande excursion”, se réjouit Joumaa Omar, un guide spécialisé dans le tourisme saharien qui n’avait plus organisé de voyages depuis de longues années.
A 55 ans, il a longtemps essayé d’inciter ses compatriotes à découvrir les richesses de la Libye, sans succès. Mais depuis peu, les demandes d’excursions dans le sud désertique se multiplient.
– “Porte du Sahara” –
Le convoi, composé exclusivement d’hommes dans ce pays conservateur, débute son périple à al-Qaryat al-Gharbiyah, une “porte du Sahara” où le temps semble figé, à quelque 300 km au sud de Tripoli.
Chèches sur la tête, lunettes de soleil et vestes polaires, des participants discutent joyeusement. Certains inspectent minutieusement leur véhicule et d’autres mangent un bout avant le départ.
Le voyage, qui doit durer entre 10 et 14 jours, doit les mener dans le Tadrart Acacus, une chaîne de montagnes à quelque 900 km au sud-ouest de Tripoli, à la frontière avec l’Algérie, célèbre pour ses peintures rupestres et ses paysages lunaires.
Une fois le plein fait, les participants venus pour la plupart du Nord s’élancent sur une piste caillouteuse bordée de maigres pelouses et entourée de petites montagnes ocres. Le paysage est digne d’un western.
Joumaa Omar veut faire de ce voyage, baptisé “réunion de frères”, un symbole dans un pays miné par les luttes fratricides, avec comme message “oui à la paix, non à la violence”.
La Libye est depuis des années en proie à une guerre entre deux entités rivales qui se disputent le pouvoir à coups de milices interposées, de drones et de mercenaires étrangers.
Le cessez-le-feu signé en octobre sous l’égide de l’ONU a ravivé les espoirs de paix dans le pays qui concentre les plus abondantes réserves de pétrole d’Afrique.
“Nous travaillons d’arrache-pied depuis des semaines (…) pour nous assurer qu’il n’y aura pas de problèmes d’ordre sécuritaire lors de notre passage”, raconte le guide, un couvre-chef noir sur la tête.
Pandémie oblige, les participants doivent présenter un test négatif et seront divisés en “petits groupes pour respecter la distanciation sociale”, assure-t-il.
– “Belle image” –
Jusque-là habitué aux voyages organisés hors de Libye, Abdel Hamid Mohamad fait partie des participants à l’expédition.
“Je découvre que la Libye n’est pas moins belle que les autres destinations”, s’enthousiasme le trentenaire.
“Je comprends maintenant pourquoi tant d’étrangers tenaient à venir en Libye avant 2011. (…) Le pays mérite le déplacement.”
Avec 1.800 km de côtes, de vastes étendues désertiques et des sites archéologiques grecs et romains intacts, “la Libye a tout”, affirmait l’édition 2007 du guide touristique Lonely Planet.
Longtemps mis au ban de la communauté internationale, le régime de Mouammar Kadhafi était peu à peu redevenu fréquentable dans les années 2000.
Le tourisme avait connu une timide ouverture après la levée d’un embargo onusien en 2003, avec l’émission par les autorités libyennes de visas de tourisme, la création d’un ministère dédié et le lancement d’une stratégie pour développer le secteur.
En 2010, 110.000 touristes étrangers ont visité la Libye, générant 40 millions de dollars (33 millions d’euros) de recettes, un chiffre réduit à néant l’année suivante.
Relancer ce secteur pourvoyeur d’emplois et de devises nécessitera le retour d’un climat stable et “la fin des divergences”, note Abdallah al-Maghrabi, un autre participant.
“Depuis près de dix ans, le monde n’entend parler que de guerres et de chaos en Libye alors que le pays a beaucoup à offrir”, souffle-t-il. Le convoi vient en tout cas donner “une belle image du pays”.
Afp