Le gouvernement éthiopien a annoncé jeudi avoir envoyé de l’aide alimentaire à Mekele, la capitale de la région du Tigré, dont la situation humanitaire alarme la communauté internationale, qui n’y a pas accès plus d’un mois après le début du conflit.
L’acheminement d’aide pour la population tigréenne et pour les nombreux réfugiés érythréens qui sont installés dans cette région du Nord de l’Ethiopie fait l’objet de tensions depuis près de deux semaines, après qu’Addis Abeba y a annoncé la fin des combats le 28 novembre.
Mercredi soir, à New York, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a finalement annoncé la conclusion d’un nouvel accord entre l’organisation et l’Ethiopie.
“Nous avons maintenant un deuxième accord pour des missions d’évaluation conjointes liées aux besoins humanitaires entre l’ONU et l’Ethiopie”, a dit M. Guterres lors d’une conférence de presse.
L’ONU, qui avait dans un premier temps déclaré avoir obtenu un accès humanitaire “sans restriction” au Tigré, n’a à ce stade pas été en mesure d’acheminer l’aide et a estimé mercredi que la situation y était “hors de contrôle”.
De son côté, le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, ne s’est pas prononcé sur ce nouvel accord, après avoir ces derniers jours martelé sa souveraineté sur son territoire.
Jeudi, Fana BC, un média affilié au pouvoir, a annoncé sur son site internet que “seul le gouvernement éthiopien”, via la Commission nationale de gestion des risques de catastrophe (NDRMC), était en train d’acheminer de l’aide au Tigré.
“Trente camions transportant plus de 12.000 quintaux de blé sont arrivés aujourd’hui dans la ville de Mekele” et l’aide va être distribuée aux habitants, a écrit Fana BC, accompagnant son article d’une photographie montrant un convoi de camions recouverts de bâches marron.
Toujours selon Fana BC, de l’aide alimentaire d’urgence est distribuée “depuis cinq jours” à Alamata, une localité au sud de Mekele, et des camions ont également fait route mercredi vers Shire.
La région de Shire, dans le centre du Tigré, abrite plusieurs camps de réfugiés érythréens qui ont fui le régime autocratique du président Issaias Afeworki.
– “Situation explosive” –
Le Tigré est quasiment coupé du monde depuis le 4 novembre, date à laquelle M. Abiy y a envoyé l’armée fédérale dans le but de chasser les dirigeants locaux, issus du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) et qui défiaient depuis des mois son autorité.
Privée de tout approvisionnement, la région connaît également de sévères restrictions d’accès et les réseaux de communications y sont encore largement hors service, ce qui rend difficile l’évaluation de la situation sur le terrain.
Le Comité international de la Croix-Rouge, l’une des très rares organisations humanitaires présentes sur place, a annoncé mardi avoir commencé, avec la branche éthiopienne de la Croix-Rouge, à distribuer de l’eau dans la capitale tigréenne, qui comptait 500.000 habitants avant le début du conflit.
“C’est (une aide) vitale pour la population qui a enduré une situation critique”, a déclaré une responsable de l’ONG dans une courte vidéo postée sur Twitter.
Environ 600.000 habitants du Tigré dépendaient totalement d’une aide alimentaire pour se nourrir avant le début du conflit.
Près de 50.000 d’entre eux se sont réfugiés au Soudan voisin et un certain nombre des 96.000 réfugiés érythréens ont fui à l’intérieur de la région.
“La situation en Ethiopie est vraiment inquiétante et explosive”, a souligné mercredi à Genève Michelle Bachelet, la Haute commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, insistant sur l’impact du conflit sur les populations civiles.
Selon Mme Bachelet, “les combats continuent au Tigré bien que le gouvernement affirme le contraire”.
Le bras-de-fer entre l’Ethiopie et l’ONU sur l’accès au Tigré s’est traduit sur le terrain par un épisode qui a marqué les esprits.
Addis Abeba a notamment admis que des forces progouvernementales avaient ouvert le feu dimanche sur une équipe de l’ONU chargée d’évaluer les conditions de sécurité au Tigré, affirmant que cette dernière avait “forcé des barrages” dans une zone où elle “n’était pas censée aller”.
Afp