Plus d’un mois après le déclenchement du conflit dans la province du Tigré, le 4 novembre, on en sait désormais un peu plus sur le rôle joué par l’Érythrée voisine. Plusieurs sources confirment la participation active de l’armée érythréenne dans les combats contre le TPLF, le parti dissident qui dirigeait l’Érythrée, malgré les démentis des deux capitales.
Dès le début des combats dans le Tigré, des témoins en Érythrée ont évoqué d’importants mouvements de troupes en direction de la frontière. Des familles érythréennes ont raconté que leurs proches avaient été mobilisés en urgence. Les réfugiés de la ville d’Humera, ayant traversé la frontière avec le Soudan pour se mettre à l’abri, ont également expliqué que la couverture d’artillerie ayant délogé les combattants du TPLF venait du côté érythréen de la frontière.
Mais les télécommunications étant coupées et l’accès à la province en guerre interdit à la presse et aux humanitaires, il était impossible de confirmer l’engagement direct de troupes érythréennes dans le conflit, alors qu’Asmara comme Addis-Abeba se contentaient de démentir, quand ils ne refusaient pas tout simplement de répondre aux sollicitations.
Des opérations en commun avec l’armée éthiopienne
Or l’implication « de milliers d’Érythréens » a été confirmée mardi auprès de l’agence Reuters par une source gouvernementale américaine. « Il semble qu’il n’y ait plus de doutes », a expliqué cette source, s’appuyant sur des images prises par satellite, l’interception de communications et du renseignement humain. Cette information a également été confirmée à RFI par une source diplomatique à Addis-Abeba, qui dit que les troupes d’Asmara sont « pleinement engagées à l’intérieur du Tigré ».
Cet engagement a même été précisé par l’ancien ministre érythréen de la Défense Mesfin Hagos, s’appuyant sur des sources locales, selon qui une dizaine unités d’infanterie et au moins quatre unités mécanisées de l’armée d’Asmara combattent aujourd’hui en Éthiopie, ainsi qu’une unité commando.
Elles auraient effectué des percées en plusieurs points de la frontière, et notamment dans le village de Zalambessa, en appui des troupes éthiopiennes. Et parfois, a-t-il expliqué à RFI, « mélangées à elle ». Elles se trouveraient aujourd’hui à Mekele, et sur l’axe Shiraro-Shire, ainsi que dans les localités d’Adoua et d’Adigrat. Une équipe humanitaire de l’ONU affirme d’ailleurs avoir vu des soldats érythréens en mouvement autour de la ville de Shire, ainsi que dans la capitale Mekele.
Craintes pour les réfugiés érythréens au Tigré
La crainte est donc plus grande, désormais, pour les 96 000 réfugiés érythréens vivant dans quatre camps de réfugiés du Tigré, privés de tout. Des combats ont eu lieu dans le camp d’Adi Harush, au sud de Shire, selon nos confrères de Radio Erena, et plusieurs milliers d’Érythréens craignant les opérations de l’armée érythréenne et des miliciens amharas sont partis à pied pour tenter de rejoindre la frontière soudanaise. Un millier d’entre eux est également parvenu à pied jusqu’à Mekele, selon la Croix-Rouge.
Le week-end dernier, une équipe de l’ONU a été empêchée par la force d’accéder au camp de Shimelba : on ignore donc le sort de ceux qui sont restés dans les camps, alors que des familles érythréennes de la diaspora disent retrouver la trace de certains d’entre eux en Érythrée, où ils auraient été rapatriés de force.
Enfin, l’Érythrée sert aussi de repli et de base arrière, d’où les multiples tirs de roquettes du TPLF, notamment sur l’aéroport militaire d’Asmara. Selon nos confrères de Radio Erena, les hôpitaux de Senafe, Adi Kiey, Tessenei, Keren, Barentu et Dekemhare sont d’ailleurs pleins de blessés et de morts ramenés du front. Une campagne de don du sang a été lancée par le gouvernement érythréen, la semaine dernière.
rfi