L’Union postale universelle se réunit mardi à Genève, pour le troisième congrès extraordinaire de son histoire. L’enjeu est de taille: Washington menace de sortir de l’union qui régit le système postal mondial… depuis 1874.
La guerre sur tous les fronts. Y compris les plus inattendus. Ce mardi, l’Union postale universelle (UPU) se réunit, pendant deux jours, à Genève pour un Congrès extraordinaire qui s’annonce tendu, chose inhabituelle dans cette vénérable institution fondée en 1874. Pour preuve, c’est seulement la 3èmefois de son histoire qu’une telle réunion est organisée. Chargée de fixer les règles des échanges de courrier international, l’UPU réunit 192 Etats et permet l’acheminement, sans encombre, des lettres et colis à travers le monde.
Mais depuis 2018, l’organisation connait une crise sans précédent. Le 17 octobre 2018, les Etats-Unis lançaient une procédure de retrait, estimant insuffisants les efforts réalisés pour réformer les règles en vigueur. À la manœuvre de ce coup de semonce: le président Donald Trump, poussé par son conseiller économique Peter Navarro, un partisan d’une ligne dure dans les négociations commerciales. La décision serait même actée puisque “le président est d’accord avec le département d’Etat qui recommande d’adopter ses propres taux postaux aux frontières américaines, et ce, au plus tard le 1er janvier 2020”, avait indiqué la Maison Blanche. Une sorte de mini-Brexit postal, conséquence d’une guerre commerciale qui s’étend dans tous les secteurs où l’affrontement est permis.
Les exportations chinoises dans le viseur
C’est donc bien Pékin qui est dans le viseur de Washington. L’administration Trump estime que la Chine profite de tarifs (fixés par l’UPU) trop avantageux pour les “lettres et des petits paquets” qu’elle exporte notamment aux Etats-Unis. Le principe de base, c’est un remboursement par le pays d’expédition des frais encourus par le pays de destination dans son service de distribution.
Mais l’UPU a instauré un système de quatre catégories de pays selon leur “développement postal” pour plus d’équité, et donc pour éviter de léser les Etats les plus pauvres. Or, la Chine fait partie de la troisième catégorie et bénéficie donc de taux relativement faibles.
Inacceptable pour Donald Trump qui cherche, par tous les moyens à réduire les exportations chinoises vers les Etats-Unis. Et depuis l’essor du commerce électronique, les expéditions ont explosé. Selon l’indice réalisé par Pitney Bowes, le volume de colis expédiés depuis la Chine vers le reste du monde, a atteint 40,1 milliards d’unités en 2017, soit 1.270 colis par seconde, en progression de 28% sur un an. Et le rythme devrait encore s’accélérer dans les années à venir.
Arguant que la Chine n’a plus rien d’un pays en développement, les Etats-Unis estiment que Pékin ne doit plus bénéficier de tarifs préférentiels. À défaut d’avoir obtenu une révision, une sortie du traité en question pourrait mettre à mal la balance commerciale chinoise en augmentant les frais d’expédition.
Le courrier, un enjeu majeur pour la présidentielle
Dès lors, trois options vont être discutées lors de ce congrès. La première revient quasiment à un statu quo. La deuxième accorde davantage de liberté aux pays membres pour fixer leurs tarifs (plafonnés par l’UPU) pour les lettres et petits paquets. La dernière offre encore plus de liberté dans la fixation des tarifs, avec des plafonds jusqu’en 2025, seulement. Les Américains privilégient la dernière option.
Si les Etats-Unis ont tiré en premier, d’autres pays semblent prêts à soutenir le coup de sang américain, en évitant soigneusement la confrontation.
Reste à savoir si un accord pourra être trouvé en deux jours, pour éviter le retrait américain. Car une sortie des Etats-Unis pourrait rapidement rendre le système ingérable. Leurs partenaires continueront-il de distribuer le courrier expédié des Etats-Unis ? Probablement, mais les retards pourraient s’accumuler. L’Europe ou les pays asiatiques, à commencer par la Chine, pourraient aussi décider d’augmenter, à leur tour, leurs tarifs. Cela pénaliserait aussi le consommateur américain si la hausse des tarifs était répercutée sur les produits exportés de Chine.
Enfin, et ce n’est pas anodin, entre 5 et 7 millions d’Américains vivent à l’étranger et peuvent, théoriquement, voter par correspondance à la prochaine élection présidentielle. Puisque 19 Etats américains refusent le vote électronique, le courrier garde une importance précieuse.
En décidant de quitter l’UPU, Donald Trump ouvrirait, une fois de plus, la porte à l’inconnu total. Avec risque que cela se retourne contre lui.