La Gambie d’Adama Barrow veut tourner la page de l’ère Jammeh. Le gouvernement annonce une révision constitutionnelle. Le nouveau texte en cours de préparation sera soumis à référendum.
La Gambie connaîtra bientôt une « troisième République ». C’est ce que le ministre de la Justice, Abubacarr Tambadou, a annoncé jeudi dernier, en présentant les dispositions visant à rédiger une nouvelle Constitution pour le pays.
Le texte actuel a été rédigé en 1997, trois ans après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président en place Dawda Jawara, et propulsé Yahya Jammeh à la tête du pays. Aujourd’hui, la « nouvelle Gambie » veut tourner la page.
Pour que ces changements soient efficaces, le gouvernement préfère partir d’une page blanche, plutôt qu’amender de nombreuses fois la Constitution actuelle. Un texte qui, selon de nombreux avocats, accorde trop de pouvoir au président et lui octroie une trop grande immunité. Actuellement, le chef de l’Etat n’a pas de limite de mandat, ce qui a permis à Yahya Jammeh d’être élu quatre fois à la suite. D’autres sections ne sont pas suffisamment claires ou se contredisent.
L’établissement d’une nouvelle Constitution sera peut-être aussi l’occasion de changer des dispositions controversées, comme la peine de mort, toujours maintenue dans le texte.
La mise en place de cette nouvelle loi fondamentale devrait se faire dans un délai de deux ans. Pendant 18 mois, une commission de révision de la Constitution aura pour mission de consulter une large partie de la population, qui se trouve à la fois dans le pays et à l’étranger. Puis le texte, une fois rédigé, sera soumis à référendum en vue d’être adopté.
« Un règne sans fin (…) ce n’est pas acceptable »
De nombreux avocats, comme Lamin Camara, se réjouissent de cette décision. Pour lui, le point le plus important à changer concerne l’élection du président. « Il n’y a pas de limite de mandat pour le président. Mais je pense que si l’on consulte la population, elle serait d’accord avec la mise en place d’une limite. Un règne sans fin, avec un leader élu encore et toujours, ce n’est pas acceptable. »
Une bonne nouvelle aussi pour Madi Ceesay, député UDP, le parti d’Adama Barrow. Il s’inquiète d’une section du texte actuel concernant les parlementaires : « Si un député est élu sous l’étiquette d’un parti, et que par la suite il est exclu du parti, il perd automatiquement son siège au Parlement. Et l’ancien président utilisait cette clause pour garder le contrôle sur les parlementaires. Parce que la majorité des députés venaient de l’APRC, le parti de l’ancien président : il n’avait qu’à les exclure du parti pour qu’ils perdent leur siège. »
Pour l’avocat Malick Jallow, le texte actuel est loin d’être entièrement mauvais. Mais la nouvelle Constitution permettra de supprimer certaines failles. « Sur le papier, la Constitution de 1997 n’est pas si mal ! estime l’avocat. Mais malheureusement ce sont les personnes qui étaient en charge de l’appliquer qui étaient malhonnêtes. Et il y a aussi des choses à améliorer. Par exemple, souvenez-vous de la crise politique cette année : la Constitution ne dit rien sur la marche à suivre lorsqu’un président sortant perd l’élection. »
rfi