Saturday, December 14, 2024
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La tragique et vaine traversée d’une Rohingya pour rencontrer son mari

Julekha Begum devait mettre cinq jours pour gagner la Malaisie par la mer et y rencontrer enfin son mari. Mais elle a vécu avec 500 autres clandestins Rohingyas un calvaire de deux mois dans la cale d’un bateau pour, finalement, revenir au Bangladesh.

Dans l’intervalle, cette femme âgée de 20 ans, a vu les passeurs battre sa soeur à mort et jeter par dessus bord des dizaines de cadavres. Et son rêve d’être un jour auprès de cet homme qu’elle a épousé à distance s’éloigner un peu plus.

Aujourd’hui, l’application d’appels-vidéo qui a servi à leur mariage arrangé est le seul moyen pour Julekha, toujours dans un camp de réfugiés au Bangladesh, de garder le contact avec son mari Abdu Hamid, 25 ans, qui travaille dans un hôtel en Malaisie.

“J’attends ce jour où je rencontrerai mon mari, cet homme que j’ai épousé il y a trois ans et que je n’ai jamais pu toucher”, confie-elle en pleurs à l’AFP.

Alors que les conditions de vie se détériorent dans les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh, nombre d’entre eux tentent la traversée vers la Malaisie. Mais leurs chances d’atteindre leur but s’est encore réduit depuis que Kuala Lumpur a renforcé ses patrouilles pour se protéger de la pandémie de Covid-19.

La tentative de Julekha Begum d’atteindre la Malaisie en février dans un bateau de pêche surchargé d’un demi-millier de réfugiés rohingyas fut un désastre total.

“Nous n’avions pas assez à manger, beaucoup sont morts et leurs corps ont été jetés à l’eau”, raconte-t-elle au Bangladesh.

– “Je ne pouvais rien faire” –

C’est une querelle avec les passeurs qui a été fatale à sa soeur.

“Les trafiquants ont frappé sans pitié avec une ceinture en cuir ma soeur qui était malade. Elle s’est vidée de son sang et en est morte. Je ne pouvais rien faire, à part hurler et jurer.”

“Jamais je n’aurais cru devoir jeter également ma soeur dans la mer. Je ne pourrai plus monter sur un bateau”, poursuit-elle.

Julekha Begum, sa mère et sa soeur étaient arrivées au Bangladesh en 2017, en même temps que des centaines de milliers d’autres Rohingyas, minorité musulmane qui tentaient d’échapper à la répression menée par la junte en Birmanie, pays à majorité bouddhiste.

Cette même année, elle épousait Abdu Hamid sur Imo, une application d’appels-vidéo très populaire. Comme de coutume dans la société rohingya très conservatrice, le mariage avait été arrangé par les familles des deux jeunes gens qui se connaissent depuis l’enfance. Après deux années de relation virtuelle, Hamid organisait la venue de son épouse et de sa soeur.

Mais l’embarcation n’a jamais atteint la Malaisie et les migrants ont été secourus au large du Bangladesh. Dans la traversée, une soixantaine de clandestins sont morts, faute de nourriture suffisante.

Dans les camps de réfugiés rohyngias, des centaines d’épouses désespèrent ainsi de voir un jour leur mari.

– “Souvent, nous pleurons” –

“Depuis notre mariage, nous ne nous sommes jamais tenu la main”, se désole Abdu Hamid, installé à Langkawi, une île du nord-ouest de la Malaisie, un des lieux où arrivent souvent les clandestins.

Sa relation avec Julekha Begum se poursuit donc au travers des appels-vidéo.

“Souvent, nous nous disons que nous nous aimons”, dit-il. “Parfois nous rigolons de choses et d’autres mais souvent, nous pleurons car nous ne pouvons pas avoir la vie normale d’un mari et d’une femme.”

“Parfois quand je dors profondément, je rêve que ma femme dort à côté de moi. Je peux ressentir sa chaleur.”

Pour la famille de la jeune fille, ce mariage représente une aide matérielle précieuse puisque que Abdu Hamid lui envoie chaque mois entre 200 et 400 ringgit (50 à 100 dollars).

Il est depuis sept ans en Malaisie. Passé de Birmanie en Thaïlande en bateau, il a franchi par la route la frontière malaisienne. Après quelque temps à travailler dans le bâtiment, il a récupéré un emploi dans un hôtel de Langkawi.

C’est sous pseudonyme qu’il a accepté de parler à l’AFP car les Rohingyas font face à une hostilité croissante en Malaisie en raison de la pandémie.

Pour son épouse, la seule option est désormais de se rendre par voie terrestre en Malaisie. Elle pourrait sur le papier se procurer un faux passeport du Bangladesh et acheter un billet d’avion. Mais l’option aérienne est pour elle hors de prix.

“Mon rêve est de faire venir ma femme en Malaisie”, dit Abdu Hamid. “Je ne ferai l’économie d’aucun effort. J’attendrai Julekha le temps qu’il le faudra.”

Afp

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