Et si l’apprentissage d’un métier – comme celui de Disc-Jockey (DJ) pouvait inciter de jeunes sénégalais à faire carrière dans leur pays ?
C’est la question que s’est posée Nicola Kelly, journaliste à la BBC. “Découragé par le manque d’opportunités dans leur pays”, dit-elle, « la majorité des jeunes sénégalais rêvent d’émigrer, même si la route vers l’Europe est pleine de dangers ».
“Nous Sénégalais, on est Chinois version noire” plaisante Amadou, effleurant ses longues dreadlocks sur son épaule et en tirant fermement sur sa casquette de baseball.
“Donnez-nous un dollar, on vous-en rend deux!”.
Le bruit sourd des réverbères de basse mêlé aux applaudissements marque le début d’une autre journée à la Maison des Cultures Urbaines, dans la banlieue nord de Dakar.
Désir d’émigrer
Le Sénégal, l’un des points de départ pour de nombreux migrants a été durement touché par le flux extérieur de ses jeunes citoyens.
Un récent sondage de l’Observatoire de migration d’Oxford a constaté que les 3/4 des Sénégalais entre 19 et 25 ans voulaient émigrer, dans les cinq prochaines années.
Conscientes de la situation, les municipalités locales ont intensifié le financement d’initiatives comme celles-ci, une école de DJ pour les aspirants musiciens.
Ecole de DJ
Les éducateurs proposent des compétences techniques, aident les jeunes à réaliser leur CV et les préparent aux entretiens d’embauche.
Les étudiants sont à l’écoutent lorsque DJ GG Base enseigne la technique.
“Vous avez des iPhones, des Mac, des platines fantaisistes de DJ. Quelqu’un ici a même une voiture rutilante garée à l’extérieur. La vie ici n’est pas si mauvaise!”, lance la journaliste.
“Oui,” admettent-ils “mais la plupart de nos frères, cousins et amis nous ont laissé ici pour se rendre en Europe. Nous voulons jouer dans de grands clubs. Nous voulons un avenir qui est tout simplement impossible au Sénégal.”
“Le djihad est un problème croissant”
Ces centres ont été mis en place pour donner à des jeunes comme Amadou et Ismaila une chance d’exploiter leur potentiel.
Beaucoup de leurs pairs s’ennuient, et sont même mécontents.
A l’unisson ils hochent la tête quand on leur demande si de tels programmes les motivent à rester.
“L’enrôlement pour le djihad est un problème croissant dans les banlieues. Si nous n’occupons pas les jeunes, les jeunes vont s’occuper», s’écrie Amadou d’un ton assuré.
La seule femme du groupe – leur “sista” – rejoint la petite assistance qui s’est formée.
“Je veux partir aussi, mais quand j’aurai une famille, je reviendrai au Sénégal pour vivre parmi nos traditions, pour enseigner à mes enfants notre langue”, avance Sorna décisive, les yeux brillants.
Les hommes acquiescent dans un murmure.
Que faut-il alors pour les convaincre de ne pas partir ?
La réponse fuse : “on a besoin de plus que des mots”, s’écrie Amadou.
“On a besoin d’un cadre, un moyen de trouver de bons emplois et acquérir de nouvelles compétences. Dès lors, des gens comme nous accepteront de ne pas se monter dans ces bateaux et traverser cette mer.”
bbc