Thursday, March 28, 2024
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Marché du diamant: quelles retombées économiques pour les pays africains?

Le plus gros diamant découvert depuis cent ans, baptisé le Lesedi La Rona, a été mis aux enchères mercredi 29 juin à Londres. D’une valeur record de 1 109 carats, la pierre fait la taille d’une balle de tennis et est évaluée à 70 millions de dollars. Elle a été découverte au Botswana en novembre dernier, dans l’une des nombreuses mines de ce pays devenu le deuxième producteur de diamants dans le monde. Pourtant l’industrie diamantaire botswanaise, maîtrisée par les pouvoirs publics, fait figure d’exception. Aujourd’hui, les communautés minières sont encore bien loin de profiter des richesses de leurs sous-sols.

Depuis la découverte de la première mine de diamants au Botswana en 1967, un an seulement après l’indépendance, l’industrie diamantaire est devenue un pilier de l’économie du pays. Durant les années 1980, le Botswana affichait une croissance de près de 10 % par an grâce au secteur, jusqu’à devenir le deuxième producteur mondial de diamants derrière la Russie.

Aujourd’hui, le diamant y représente près de 40 % des recettes de l’Etat, et 89 % des revenus d’exportation. Une exploitation maîtrisée par le gouvernement, grâce à un partenariat public-privé avec le conglomérat diamantaire sud-africain De Beers, et à un système de redistribution fondé sur des taxes importantes : 22 % de taxes sur les diamants pour les entreprises minières, auxquels il faut ajouter 10 à 15 % de royalties sur les bénéfices. L’Etat botswanais détient en outre 50 % de l’entreprise Debswana, chargée de l’exploitation des mines, et de la Diamond Trading Company Botswana (DTCB), fondée pour valoriser les diamants.

« Si l’on regarde le partenariat entre le conglomérat De Beers et l’Etat botswanais, on se rend compte que le gouvernement reçoit 85 % des revenus du diamant, et De Beers 15 %. Cette relation entre le gouvernement et De Beers a été très bénéfique pour nous », assure Charles Siwawa, président de la Chambre des mines du Botswana.

Depuis 2011, De Beers s’est également engagé à commercialiser les diamants depuis Gaborone, la capitale, qui abrite l’un des plus grands centres de tri et d’évaluation de diamants du monde. Ainsi, toute la chaîne de production, depuis l’extraction jusqu’à la vente, se fait au Botswana, générant des revenus qui financent la santé et l’éducation selon le Centre de commerce et d’investissement national. L’école au Botswana est par exemple gratuite jusqu’à 13 ans.

Des communautés minières oubliées

Sur le continent africain comme ailleurs, le secteur du diamant se caractérise par son opacité et par des fuites d’importantes sommes d’argent. Les communautés minières ne profitent que rarement des richesses de leurs sous-sols. La région diamantifère du Northern Cape, en Afrique du Sud, est par exemple l’une des plus pauvres du pays, alors qu’elle abrite certaines des mines les plus lucratives du monde.

Là-bas, le taux de chômage avoisine les 70 %, et beaucoup d’habitants vivent avec quelques dizaines de dollars par mois, selon Christopher Rutledge, coordonnateur pour les questions minières chez Action Aid, une ONG qui lutte contre les inégalités. Pour lui, « la nature de l’exploitation minière est si injuste que le ressentiment de ces communautés à l’encontre des sociétés minières ne peut que s’aggraver ».

Des centaines de millions de dollars disparus

Des centaines de millions de dollars issus de la production de diamants sont détournés chaque année via des montages financiers. En cause, des écarts entre la valeur des diamants déclarée à l’exportation et sur laquelle les entreprises paient des taxes, et la valeur à laquelle le diamant se vend sur le marché international.

Finalement, explique Michael Gibb de Global Witness, « l’identité des personnes qui contrôlent réellement les entreprises dans le secteur du diamant est souvent inconnue, cachée derrière de multiples sociétés anonymes enregistrées dans des paradis fiscaux. Il est donc très difficile de savoir à qui revient l’argent au bout du compte ».

L’ONG rappelle que l’exploitation du diamant n’est pas mauvaise en soi et qu’elle pourrait et devrait contribuer au développement de nombreux pays. Plus de 10 ans après la mise en place du processus de Kimberley, qui vise à lutter contre « les diamants de sang » qui financent des conflits armés, la lutte doit aussi se faire sur le terrain de la transparence fiscale et de l’institutionnalisation de la production.

rfi

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