Après trois années de pratique dans le cadre d’une formation sur la migration, les membres du Reddem (Réseau pour la défense des droits des migrants), composé de journalistes et de syndicalistes issus de plusieurs corps de métiers, ont décidé d’aller sur le terrain. C’est ainsi qu’une série d’échanges a été organisée, en collaboration avec Promig-Fes, à Saint-Louis pour discuter avec les acteurs de la migration basés dans la localité mais aussi avec les migrants de retour ainsi que des familles ayant perdu un parent dans les pirogues de fortune en partance pour l’Europe.
L’axe Lompoul-Saint-Louis est devenu depuis un certain temps la zone ciblée par les migrants qui veulent rallier l’Europe de façon illégale. Il ne se passe pas une semaine sans
qu’une pirogue n’embarque, avec à bord des centaines de jeunes en quête de pénitence, pour prendre l’océan afin de pouvoir rallier l’Europe.
Si les candidats à la migration ont pris comme cible cette zone pour effectuer ce voyage, ce n’est pas fortuit. Si l’on en croit les allégations de Pape Moussa Sall, président de la Diadem
(Diaspora Développement Éducation et Migration), cette zone est moins surveillée et, à partir de là-bas, le voyage pour arriver en Méditerranée dure 05 jours au lieu de 10 jours.
Ce dernier d’indiquer que la structure qu’il dirige capitalise une dizaine d’années d’expérience et a eu à travailler avec les Sénégalais de la Diaspora ainsi qu’avec les migrants de retour. Mais, précise-t-il, malgré ces années qu’il ont passées à les sensibiliser, ils ont constaté que ces derniers ne se découragent pas même avec la mésaventure qu’ils ont vécue en mer. Ils peuvent embarquer à tout moment: il suffit jusque que l’occasion se présente. Ce qui lui fait dire que la sensibilisation n’a pas servi à grand chose, raison pour laquelle ils ont opté pour l’information. De ce fait, ils entendent collaborer avec les communautés mais aussi avec la Diaspora sénégalaise. Pour lui, ceux qui veulent rallier l’Europe ignorent les conditions dans lesquelles vivent ceux qui sont arrivés à bon port.
Abondant dans le même sens, Mamadou Guèye, Président du Amohs ( Association du mouvement Humaniste de Saint-Louis) soutiendra que 99% de ceux qui prennent les pirogues de fortune font des années dans les montagnes du Maroc, la plupart décède hélas et les hommes les plus résistants sont réduits en esclaves et les femmes mises dans le
secteur de la prostitution. Sans compter ce qui se passe en Libye où les migrants sont traités de façon inhumaine.
On se rappelle de la pirogue qui a pris feu au niveau de l’embouchure de Saint-Louis. Plusieurs jeunes ont péri dans cet accident. Les parents de certains d’entre eux ont tenu à témoigner sur un fils, un gendre ou un frère. Des discours très poignants ont ému plus d’un. Ce qu’il faut remarquer dans les témoignages, c’est que tous ceux qui ont perdu la vie dans cette embarcation avaient un travail dans leurs localités respectives. Cependant, regrette Abdoul Wahab Diop du Mouvement pour la Solidarité de Saint-Louis, le traitement salarial au Sénégal est à revoir puisque, même des enseignants ont eu à abandonner les salles de classe pour tenter l’aventure.
Ce qui inquiète le plus à Saint Louis, c’est que l’on constate de plus en plus la présence de femmes et de mineurs dans ces embarcations. Selon les statistiques de l’association
Action Femme Enfant, de juillet à début octobre, 365 personnes, qui tentaient l’aventure, ont été retournées et 420 personnes ont été interceptées alors qu’elles s’apprêtaient à
voyager. Parmi elles, 28 mineurs dont 02 accompagnés de grandes personnes. Il fera savoir, dans la foulée, qu’ “aujourd’hui à 10 heures ( le 08 octobre, NDLR), une pirogue a
été interceptée avec à bord 18 personnes dont 11 femmes”. Ce qui montre à suffisance que le phénomène de la migration irrégulière est loin d’être éradiquée dans cette zone.
Malheureusement, à ce jour, il est impossible de donner le nombre exact de personnes qui ont tenté l’aventure puisque la réalité dépasse de très loin les prévisions. Ce qui est dommage dans cette affaire, c’est que les passeurs semblent insensibles face à ce drame qui décime les familles. Durant le voyage, les multiples corps jetés pardessus bord ne les émeut guère. Malgré les pleurs et les supplications des familles, ils continuent d’organiser ces voyages macabres. Ce qui leur importe, c’est l’argent qu’ils récoltent parce que, malgré les conditions exécrables dans lesquelles le voyage se fait, il faut casser sa tirelire pour pouvoir faire partie de l’équipage. Et il faudra débourser des centaines de milliers de F. Cfa pour espérer rejoindre l’Europe.