Trois personnes ont été tuées mercredi à Kampala dans des heurts violents entre forces de sécurité et manifestants en colère après une nouvelle arrestation de l’opposant Bobi Wine, principal adversaire du président Yoweri Museveni à la présidentielle de 2021, a-t-on appris de source policière.
“Trois vies innocentes ont été perdues à la suite des heurts violents dans la ville”, a déclaré à l’AFP le porte-parole de la police Fred Enanga, qui a précisé que 34 personnes avaient également été blessées.
“Les forces de sécurité sont venues à bout des groupes violents avec des gaz lacrymogènes et des armes létales”, a ajouté le porte-parole.
La Croix-Rouge ougandaise, dans un communiqué portant uniquement sur les blessés, a indiqué avoir pris en charge plus de 30 personnes à Kampala et sa périphérie, “à la suite des échauffourées impliquant la police et des groupes d’émeutiers”.
Onze d’entre elles étaient blessées par balle, neuf présentaient des symptômes de “suffocation” et 10 étaient inconscientes, a détaillé la Croix-Rouge.
Les forces de l’ordre ont affronté pendant plusieurs heures des jeunes manifestants qui brûlaient des pneus sur la chaussée et lançaient des pierres, ivres de colère après avoir appris la nouvelle arrestation de leur champion, Bobi Wine, 38 ans, star de la chanson devenu député et candidat à la présidentielle du 14 janvier.
Des confrontations similaires ont éclaté dans d’autres centre urbains du pays (Jinja, Masaka, Mukono et Mityana), a confirmé la police, qui a précisé qu’un autre candidat d’opposition à la présidentielle, Patrick Oboi Amuriat, avait lui aussi été arrêté, à Gulu (Nord), pour avoir prévu une “marche non autorisée”.
Auparavant, le chef de la police de Kampala Moses Kafeero avait indiqué que Bobi Wine, Robert Kyagulanyi de son vrai nom, avait été appréhendé pour avoir violé les mesures de lutte contre le coronavirus lors de ses rassemblements.
Bobi Wine avait été arrêté une énième fois début novembre immédiatement après avoir déposé sa candidature à la présidentielle où il entend défier M. Museveni, qui se présente pour un sixième mandat. Il avait été arrêté au motif qu’il projetait un rassemblement illégal.
“Bobi Wine a sans cesse violé les directives électorales sur le Covid-19 avec la tenue de rassemblements, de marches de plus de 200 personnes, le chiffre réglementaire par meeting de campagne”, a énuméré M. Kafeero.
Mercredi soir, Bobi Wine était toujours entendu par la police.
“En application de la loi, nous ne pouvons accepter de voir des hommes politiques mettre en danger la vie des Ougandais en encourageant les marches et les grands rassemblements, qui sont vecteurs de transmission du Covid-19”, a ajouté M. Kafeero.
Le chef de la police ougandaise, Okoth Ochola, a indiqué que ses hommes avaient une “démarche plus dure pour préserver l’intégrité du processus électoral”.
A New York, interrogé sur l’arrestation de Bobi Wine, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a souligné la nécessité en Ouganda d’un “espace permettant aux gens de s’exprimer, via des manifestations ou un processus démocratique”.
Il a appelé “les institutions étatiques, particulièrement les forces de l’ordre, à agir en respectant les droits humains et le le principe d’Etat de droit”. Il revient aussi “à toutes les parties, aux acteurs politiques et aux dirigeants gouvernementaux d’assurer une élection pacifique”, a précisé le porte-parole.
L’élection présidentielle, avec 11 candidats en lice, s’annonce tendue.
Le régime du président Museveni, 76 ans et au pouvoir depuis 1986, a montré ces derniers mois de nombreux signes de nervosité à l’encontre de Bobi Wine, arrêté ou assigné à résidence à de nombreuses reprises depuis 2018.
Elu député en 2017, Bobi Wine est devenu le porte-parole d’une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime vieillissant du président Museveni.
Afp