Le principal parti d’opposition en Guinée a dénoncé mardi une “fraude à grande échelle” visant à le priver de la victoire à la présidentielle de dimanche, alors que les grandes organisations régionales africaines ont jugé le scrutin régulier.
La commission électorale nationale a annoncé dans la soirée de premiers résultats dans quatre circonscriptions sur les 38 du pays, dont trois à Conakry et sa périphérie.
Le président sortant Alpha Condé, qui brigue à 82 ans un troisième mandat controversé, l’emporte largement dans les quatre circonscriptions sur son principal rival Cellou Dalein Diallo, et dépasse les 50% dès le premier tour dans trois d’entre elles.
Un officiel de la commission a jugé auprès de l’AFP “impossible d’extrapoler” un résultat national à partir de ces seuls résultats.
M. Condé est “en train de tout mettre en oeuvre pour faire modifier les résultats sortis des urnes en sa faveur”, avait auparavant accusé devant la presse Fodé Oussou Fofana, directeur de campagne de Cellou Dalein Diallo.
“Les administrateurs territoriaux, les forces de défense et de sécurité, les ministres, les hauts cadres de l’administration centrale et certains magistrats sont tous mobilisés pour réaliser cette fraude à grande échelle”, a-t-il détaillé.
M. Diallo avait affirmé lundi avoir gagné l’élection “dès le premier tour”, une déclaration unilatérale qui a déclenché des scènes de liesse dans des quartiers de la banlieue de Conakry, son fief et celui de son parti, l’Union des forces démocratiques (UFDG), mais aussi la condamnation du parti au pouvoir ainsi que des violences.
Celles-ci ont coûté la vie à “quatre adolescents tués par les forces de défense et de sécurité aux ordres d’Alpha Condé”, a dit Fodé Oussou Fofana. L’UFDG avait jusqu’ici fait état de trois morts.
La commission électorale a jugé la proclamation de victoire de M. Diallo “prématurée”.
Le directeur de la communication de l’UFDG, Ousmane Gaoual Diallo, a estimé mardi que “le candidat Cellou Dalien Diallo obtiendrait entre 53 et 58%”, alors que la tension reste palpable à Conakry.
– Domicile encerclé –
Le domicile de M. Diallo a été encerclé mardi en début de soirée par environ 25 gendarmes et policiers, équipés de casques et de boucliers et soutenus par deux camions anti-émeute, a constaté un journaliste de l’AFP.
“Ne pouvant faire face à la vérité des urnes, le régime anti-démocratique d’Alpha Condé tente de s’imposer par la force. Il est temps pour la #Guinée de tourner la page de ce régime liberticide et fratricide”, a écrit sur Facebook M. Diallo.
Alpha Condé a pour sa part rompu le silence qu’il observait depuis dimanche par un court message sur Facebook: “#Vous et moi. Je salue la maturité politique de nos concitoyens. La Guinée est une et indivisible. #Paix #Quiétude #Sérénité”.
“Le processus électoral s’est déroulé dans la paix, conformément à la législation en vigueur en Guinée”, avait dit en début d’après-midi à Conakry le chef de la mission d’observation de la Communauté économique des Etats ouest-africains (Cédéao), José Maria Neves.
Malgré les craintes de violences, “le scrutin s’est déroulé dans la transparence, dans la sécurité, le calme et la tranquillité”, a abondé le chef des observateurs de l’Union africaine, Augustin Matata Ponyo.
L’issue de l’élection, à laquelle concouraient 12 candidats, devrait se jouer entre M. Condé et M. Diallo.
– Peur du “vol” –
Malgré un climat de vives tensions, le vote lui-même a eu lieu dans le calme dimanche. Mais il a été précédé par des mois de troubles meurtriers et une campagne acrimonieuse au cours de laquelle personne n’a donné l’impression d’être prêt à accepter une défaite.
La Guinée est coutumière des effusions de sang dans les périodes de confrontation politique. Ces derniers mois, les manifestations de l’opposition contre un troisième mandat de M. Condé ont été durement réprimées. Des dizaines de civils ont été tués, opposition et autorités divergeant sur les chiffres et les responsabilités.
M. Diallo et son parti se sont constamment dits inquiets que M. Condé leur “vole” la victoire en trichant, comme cela fut le cas, selon eux, aux présidentielles de 2010 et 2015. Leur défiance a été avivée par la modification de la Constitution à laquelle M. Condé a fait procéder en mars pour, dit-il, moderniser le pays.
Lui et son camp ont invoqué cette nouvelle Constitution pour justifier sa candidature à un troisième mandat. Le nombre en est normalement limité à deux, mais ils ont fait valoir que le changement constitutionnel a remis les compteurs à zéro.
Un second tour, s’il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre.
Afp