Cet ancien prêtre du diocèse de Lyon assure au “Parisien” avoir été témoin des agissements pédophiles du Père Preynat entre 1975 et 1982, lors de son passage au groupe Saint Luc.
Depuis quand exactement Philippe Barbarin était-il au courant des agissements pédophiles du père Bernard Preynat ? C’est cette question essentielle que tenteront d’éclaircir les juges le 28 novembre prochain, date à laquelle l’archevêque de Lyon sera à nouveau jugé pour non-dénonciation d’agressions sexuelles. L’homme d’Église est fortement impliqué dans l’affaire tentaculaire de pédo-criminalité concernant le père Preynat, dans le diocèse de Lyon.
En mars dernier, le cardinal Barbarin avait déjà été condamné en première instance à six mois de prison avec sursis dans cette affaire, faisant état lors de son procès de “rumeurs”, de “trucs” et de “gestes déplacés” entendus sur le père Preynat, comme le rappelle Le Parisien. Mais un nouveau témoignage, livré au quotidien francilien, pourrait bien accabler le cardinal lors du jugement de la Cour d’appel de Lyon : pour la première fois, un ancien prêtre assure avoir alerté le Primat des Gaules des comportements pédophiles de Bernard Preyat dès 2002… Alors même que le cardinal affirme qu’il n’était pas au courant de la situation avant 2007.
“J’avais vu des choses sur des enfants”
Le témoin, qui a souhaité rester anonyme, est aujourd’hui infirmier hospitalier – il assure au Parisien avoir quitté les ordres en 2009, après avoir exercé pendant seize ans, en raison de son homosexualité. En 2002, alors que le père Barbarin vient de rejoindre le diocèse de Lyon, François* rencontre l’archevêque. Il se présente à lui “tout naturellement”, et lui parle de son passage “entre 1975 et 1982, au groupe Saint Luc animé par le père Preynat”.
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“Je lui ai dit que j’avais vu des choses sur des enfants quand j’étais gamin. J’ai évoqué également le cas d’une famille que je connais qui m’a parlé du comportement déviant du père Preynat avec l’un de ses fils”, confie François, précisant qu’à l’époque, le cardinal Barbarin a été “l’une des raisons de [sa] vocation”.
“J’ai fermé les yeux”
Admiratif de “son charisme, son aura, [du] pasteur qu’il était”, François est persuadé que Philippe Barbarin “allait faire ce qu’il fallait”. Il n’en est rien. Face au silence du cardinal, le jeune prêtre décide alors de “fermer les yeux” sur “la gravité de la situation”.
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“Je suis passé à autre chose. Je n’ai pas parlé, je reconnais que j’ai gardé le silence jusqu’à aujourd’hui”, avoue-t-il, précisant avoir fait part de son témoignage à l’association La Parole Libérée, qui recueille les témoignages des victimes du père Preynat. “Je n’ai pas eu le courage de le faire auparavant. J’avais la culpabilité de n’avoir rien dit, d’avoir laissé faire”.
Mais la défense du cardinal Barbarin, qui assure devant la justice n’avoir pas été informé de la situation avant 2007, a décidé François à parler. “Cela me met hors de moi”, déplore-t-il, même s’il explique “ne pas savoir” s’il est prêt à témoigner devant la justice.
Le père Preynat a, de son côté, été condamné le 4 juillet dernier au “renvoi de l’état clérical” par le tribunal ecclésiastique de Lyon – il s’agit de la peine la plus lourde que peut infliger l’Église. L’ancien prêtre de 74 ans devrait comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon du 13 au 17 janvier prochain, poursuivi pour “agressions sexuelles sur mineur”. Accusé d’avoir agressé plusieurs dizaines de jeunes scouts de sa paroisse de 1986 à 1991, il fera face à huit victimes présumées. Une vingtaine de plaintes n’ont quant à elles pas pu être retenues en raison du délai de prescription.
* Le prénom a été modifié.