Sous le prétexte d’actualiser leurs listes électorales, des Etats américains privent du droit de vote une part importante de leurs habitants, avec des arrière-pensées partisanes. La Cour suprême à Washington examine mercredi cette question d’enjeu crucial.
L’affaire concerne l’Ohio, Etat du Midwest où les républicains au pouvoir ont pris des mesures pour rayer les personnes qui ne votent pas régulièrement. Rien qu’en 2015, des centaines de milliers de résidents ont ainsi été privés de la faculté de choisir leurs élus.
Selon des associations, une telle pratique vise à écarter les citoyens issus des minorités et des couches les plus pauvres de la société, qui penchent du côté démocrate.
Les restrictions au droit de vote alimentent un gros contentieux aux Etats-Unis. Cette controverse s’aiguise à l’approche des élections de mi-mandat en novembre, qui décideront si Donald Trump conserve sa majorité républicaine au Congrès.
En plus de l’Ohio, six Etats ont adopté un plan permettant d’expurger leurs listes électorales des électeurs occasionnels: la Géorgie, le Montana, l’Oklahoma, l’Oregon, la Pennsylvanie et la Virginie occidentale.
Ils avancent l’argument de la lutte contre la fraude électorale, même si les experts s’accordent à dire qu’elle est quasi-inexistante aux Etats-Unis.
En face, douze Etats dont celui de New York et la Californie, plus la capitale fédérale Washington, ont adressé à la Cour suprême un argumentaire lui demandant de bannir cette politique.
Le gouvernement de M. Trump a, lui, effectué en août un revirement à 180 degrés par rapport à celui de Barack Obama, en prenant le parti de l’Ohio.
– Problème de l’abstention –
D’une façon générale les Américains se déplacent peu aux bureaux de vote. C’est particulièrement vrai aux élections de mi-mandat: le taux de participation tourne alors autour de 40%, ce qui renforce le poids de chaque électeur.
En raison de ce fort taux d’abstention a été adopté en 1993, sous la présidence de Bill Clinton, le National Voter Registration Act, également appelé Motor Voter Act. Cette loi permet aux personnes qui demandent un permis de conduire ou sollicitent une aide sociale de s’inscrire en même temps sur les listes électorales.
“Durant plus de 20 ans, depuis l’adoption du Motor Voter Act, le ministère américain de la Justice a interdit de telles purges des listes électorales”, souligne Dale Ho, un avocat de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) spécialisé dans les questions électorales.
Le gouvernement Trump a effectué, précise-t-il, une “rupture radicale par rapport à une position constante”.
Pour les associations, le droit de vote est un droit fondamental en Amérique, tout comme celui de ne pas voter. “Le droit de vote n’est pas un droit que l’on perd si l’on ne s’en sert pas”, assure l’organisation Demos, plaignante dans cette procédure judiciaire.
– Millions de voix en jeu –
Selon les règles actuellement en vigueur dans l’Ohio, quiconque ne votant pas durant deux ans reçoit de son bureau de vote une notice de demande de confirmation d’adresse. Si la personne ne répond pas, ou si elle continue à ne pas voter durant quatre ans, elle est radiée des listes.
Ces mesures menacent de mettre sur la touche les militaires de retour de mission, les habitants soumis aux aléas économiques et d’autres parmi les couches les plus fragiles de la population.
“Les électeurs sans abri et les autres votants marginalisés doivent livrer combat pour faire entendre leur voix”, constate l’association Northeast Ohio Coalition for the Homeless (NEOCH).
Selon la décision que prendra la Cour suprême dans ce dossier, l’Ohio et les autres Etats pourraient radier, ou non, des millions d’électeurs potentiels.
La haute cour devrait également d’ici quelques mois se prononcer sur la pratique des découpages inéquitables des circonscriptions de vote, une antique recette de cuisine électorale nommée “gerrymandering”.
Dans une décision surprise mardi, une cour fédérale a jugé qu’un découpage de circonscriptions, tracé par la majorité républicaine en Caroline du Nord, violait la Constitution.
Les élus, en dessinant la nouvelle carte électorale, ont été “injustement motivés par une intention partisane”, ont écrit les magistrats.
Afp