Une messe en mémoire des victimes de la répression de la marche catholique du 31 décembre à Kinshasa a eu lieu ce vendredi – le gouvernement affirme qu’il n’y en a pas eu, mais l’église en a recensé six. Cette messe s’est déroulée dans la cathédrale Notre-Dame du Congo et a été célébrée par le cardinal Laurent Monsengwo. Une messe très critique vis-à-vis du pouvoir en place à Kinshasa.
A l’initiative de cette messe, comme de la marche du 31 décembre, on trouve le comité laïc de l’église catholique. Mais ses membres se sont faits discrets vendredi. Un seul d’entre eux était présent dans la cathédrale, le professeur Thierry Nlandu Mayamba, et encore s’est-il éclipsé un peu avant la fin, signe que les menaces de poursuites judiciaires lancées par le gouvernement sont prises au sérieux.
Discrétion aussi pour le cardinal Laurent Monsengwo dans le collimateur du pouvoir après quelques passes d’armes verbales. Il a bien dirigé la messe, mais il a laissé le soin à l’un de ses auxiliaires de prononcer l’homélie.
La conférence des évêques en revanche a de nouveau pris la parole longuement pour défendre la légitimité de l’église à peser dans la crise : « Le caractère laïc de l’Etat congolais ne peut pas empêcher l’église catholique d’accomplir sa mission », a répété l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), suscitant des salves d’applaudissement et des huées contre le pouvoir.
De son côté, Donatien Bafuidinsoni, évêque auxiliaire de la capitale Kinshasa, a accusé les autorités de « mentir » sur le vrai bilan de la marche du 31 décembre : « On voudrait cacher la vérité sur ces morts. Nous avons été habitués à des mensonges systémiques. Et si nous avons perdu un frère, une sœur, nous avons gagné des héros parce qu’ils ont mêlé leur sang à celui de tous ceux qui sont morts pour l’alternance au pouvoir, gage de la démocratie. »
Des figures de l’opposition et des ambassadeurs
Des discours religieux autant que politiques, à l’image de cette cathédrale vendredi, au premier rang de laquelle on pouvait voir des figures de l’opposition, mais aussi des ambassadeurs : Union européenne, canada, France, Belgique, entre autres. Plusieurs mouvements citoyens étaient également présents, à l’image de Filimbi ou de l’Engagement citoyen pour le changement (Eccha).
A la sortie, les fidèles semblaient prêts à de nouvelles actions, comme l’expliquait un jeune homme : : « J’ai compris que nous ne devons pas baisser les bras. Nous devons lutter parce que la liberté, ça s’arrache. » Signe palpable de cette tension, les tirs entendus à la sortie la messe pour disperser quelques fidèles qui, selon la police, auraient tenté de manifester.
Dans un communiqué, la police accuse des partisans de l’opposant Vital Kamerhe d’avoir voulu « entamer une marche » après la messe ce qui aurait provoqué « un embouteillage sans précédent ». Elle dit avoir essuyé des jets de pierre, avant de disperser la marche à coup de gaz lacrymogènes, et recense deux blessés légers. Vital Kamerhe dément les jets de pierre, il admet être sorti, entouré de ses partisans. Mais pour lui, il ne s’agissait pas d’une marche, mais d’une « manifestation de liesse spontanée ».
■ Combien de morts le 31 décembre dernier ?
Dans son homélie, l’évêque auxiliaire de Kinshasa, Donatien Bafuidinsoni a annoncé que pour l’Eglise « le 31 décembre 2017 restera dans l’histoire, comme le jour des martyrs de l’accord de la Saint-Sylvestre ». Il a reproché aux autorités congolaises de mentir sur le véritable bilan de la répression des marches du 31 décembre.
L’Eglise a recensé six morts, dont les noms ont été égrenés à trois reprises durant la messe. Mais pour les autorités congolaises, les morts recensés ce jour-là n’ont rien à voir avec les marches
Pour le porte-parole du gouvernement Lambert Mendé, il est impératif que toute personne qui a des informations sur de potentielles victimes les transmette à la police. Il dément toute volonté du gouvernement de cacher des corps : « Nous savons qu’il y a eu une fille qui a pris une balle perdue et que Madame la ministre des Droits humains a fait évacuer vers l’Afrique du Sud. C’est le seul cas après l’enquête de la police qui ait été signalé. »
Et Lambert Mendé de conclure : « Nous n’avons que les rapports de police. Nous n’avons pas d’autres sources. […] Si la Nonciature a une information, nous attendons qu’on porte ces informations à la connaissance de la police pour que nous puissions en être informés et voir si le parquet fait tous les devoirs d’enquête que nous avons demandés. »
rfi