Le trafic routier entre le Sahara occidental et la Mauritanie a repris samedi après l’opération militaire lancée la veille par Rabat au poste frontière de Guerguerat, alors que les indépendantistes du Polisario affirment que des combats se poursuivent dans ce territoire disputé.
“Des dizaines de camions (…) bloqués depuis trois semaines à cause des agissements des milices du Polisario ont traversé les frontières marocaine et mauritanienne”, sur un axe routier essentiel pour le trafic commercial vers l’Afrique de l’Ouest, a annoncé l’agence officielle marocaine MAP.
La réouverture de la frontière a été confirmée de source sécuritaire mauritanienne et par un haut responsable marocain.
Pour le Polisario, le cessez-le-feu signé entre belligérants marocains et sahraouis sous l’égide de l’ONU en 1991 après plus de quinze de conflit “appartient au passé” et “les combats continuent”.
Le regain des tensions dans l’ancienne colonie espagnole que se disputent le Maroc et le Polisario depuis des décennies, a suscité de l’inquiétude à l’ONU, à l’Union africaine (UA) mais aussi en Algérie, en Mauritanie, en France, en Espagne ou même en Russie, pays qui suivent ce dossier.
“La guerre se poursuit jusqu’à l’heure sur tous les fronts tout au long du mur de la honte marocain”, a déclaré le ministre de la Défense sarahoui Abdallah Lahbib à l’agence de presse officielle algérienne APS, en assurant que “l’Armée de libération sahraouie a remporté des victoires importantes et causé des pertes humaines et matérielles à l’occupant marocain”.
“Les zones de Mahbès et Guerguerat ont été ciblées par des tirs d’obus et de mitrailleuses”, précise un communiqué de la Défense sahraouie.
– “Etat de guerre” –
La veille, le même ministère avait fait état d'”attaques massives” le long du mur de défense marocain dans les zones de Mahbès, Haouza, Aousserd et Farsia, avec “des dégâts humains et matériels chez l’ennemi”. Il n’a pas été possible de vérifier de source indépendante la véracité de ces affirmations.
Ibrahim Ghali, secrétaire général du Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée en 1976 par les indépendantistes, a fait savoir qu’il avait “déclaré l’état de guerre” et décrété “la reprise des actions armées, afin de protéger les droits inaliénables de notre peuple”.
Le Maroc n’a fait aucun commentaire sur la situation le long du mur de 2.700 km qui coupe en deux le Sahara occidental, immense territoire désertique au statut non réglé depuis le départ des colons espagnols.
Vendredi, Rabat avait annoncé avoir lancé une opération militaire dans la zone-tampon de Guerguerat afin de rouvrir la route conduisant vers la Mauritanie.
“Je fais partie des chauffeurs bloqués sur cette route de Guerguerat. Aujourd’hui, elle est ouverte et je suis le premier à passer. Tout s’est bien passé”, a déclaré samedi un camionneur marocain dans une vidéo diffusée par la MAP.
L’état-major général marocain avait indiqué vendredi soir que ce passage était “complètement sécurisé”, tandis que les Affaires étrangères répétaient que “le Maroc reste fermement attaché au cessez-le-feu”.
– “Eviter une escalade” –
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a constaté vendredi soir l’échec de ses efforts pour “éviter une escalade” à Guerguerat et mis en garde “contre des violations du cessez-le-feu et de sérieuses conséquences à tout changement au statu quo” en vigueur dans la zone.
La Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), créée à la suite de l’accord de cessez-le-feu, a déployé sur le terrain “une équipe spéciale composée de civils et de militaires depuis le début de la crise”.
Pour sa part, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a exprimé sa “profonde préoccupation”, en s’inquiétant des “menaces graves de rupture du cessez-le-feu”.
La Mauritanie et l’Algérie, pays voisins impliqués dans des négociations politiques au point mort depuis 2019, ont appelé à la “retenue” et à l’arrêt des actions militaires.
Le Maroc, qui contrôle 80% de l’ancienne colonie espagnole, veut une “autonomie sous contrôle” du territoire, où de grands chantiers de développement marocains ont été lancés ces dernières années.
Le Polisario, soutenu par l’Algérie, milite lui pour l’indépendance et réclame un référendum d’autodétermination prévu par l’ONU lors de la signature de l’accord de 1991 mais sans cesse repoussé.
Afp