Le président de la Confédération africaine de football (CAF), Issa Hayatou, était l’invité de l’émission Radio Foot sur RFI vendredi 7 octobre. L’occasion pour lui de confirmer la tenue de la prochaine CAN au Gabon, de parler de la question de sa succession et des réformes de la Fifa, entre autres. Morceaux choisis.
M. Hayatou, le compte à rebours de la CAN 2017 a commencé puisque nous sommes à 12 jours du tirage au sort qui aura lieu le 19 octobre prochain à Libreville. Comment vont les préparatifs du côté du Gabon ?
Le Gabon est un pays qui a connu quelques petits remous (ndlr : crise post-électorale de septembre 2016) et beaucoup de gens se sont demandé si la CAN allait avoir lieu au Gabon. Pour ma part, j’ai toujours été convaincu qu’elle aurait lieu dans ce pays. Aujourd’hui, nous avons vu avec les autorités gabonaises que les travaux vont bon train. La délégation du Comité d’organisation gabonaise que j’ai reçue au Caire nous a rassurés, même s’ils ont essayé de décaler la compétition de quelques jours, ce qui est impossible. Le ministre des Sports gabonais, qui a fait le tour des stades, l’a confirmé : la CAN aura lieu aux dates prévues (14 janvier- 5 février).
« On n’envisage pas d’augmenter les équipes pour la CAN »
Il y a eu la signature de confirmation entre le comité d’organisation et la CAF le 26 septembre dernier, juste après la confirmation de la réélection de Ali Bongo comme président à la tête du Gabon, qui lui aussi a confirmé la tenue de la CAN dans son pays. Vous ne craignez pas de voir des manifestations qui profiteraient de l’attention médiatique pour s’exprimer politiquement.
On peut effectivement le penser, mais je ne crois pas que cela arrivera puisque le Gabon s’est déjà doté de son gouvernement et toutes les structures sont déjà mises en place. Et pendant tous ces évènements (ndlr : la crise post-électorale) aucune entité ne s’est attaquée à la CAF ou au football africain. Ni du côté du président Bongo, ni du côté de Jean Ping. Je ne pense que cela puisse se produire. Et si jamais ça a lieu, le Gabon est un pays souverain et on arrivera toujours à trouver une solution pour que cette CAN aille au bout. Je n’ai jamais eu de plan B parce que je savais que ça allait se passer au Gabon. C’était notre souhait et connaissant les autorités gabonaises, que ce soit Ali Bongo ou quelqu’un d’autre, la CAN aurait eu lieu au Gabon. Je n’ai jamais rencontré une fédération africaine pour trouver une solution en cas d’empêchement du Gabon.
Aujourd’hui, la tendance est à l’inflation en matière d’équipes qui participent aux compétitions internationales. Il y a eu l’Euro 2016 avec 24 équipes, et le président de la Fifa Gianni Infantino a évoqué la possibilité de faire une Coupe du monde avec 40 ou 48 pays. Qu’en est-il de la CAF, on peut aller jusqu’à 24 équipe pour une CAN ?
C’est une question de moyens. S’il n’y avait pas le handicap des infrastructures, on serait passé à 24. Il n’y a pas de raison que ça ne se fasse pas, mais nous sommes réalistes. Beaucoup de pays ne peuvent pas abriter la CAN à plus de 16. L’Europe le fait parce qu’il y a beaucoup de stades. En Afrique, quand j’ai été élu en 1988, c’était 8 (équipes qualifiées), puis 12 en 1992, puis 16 en 1996. Pour le moment, on n’envisage pas d’augmenter les équipes, à moins de domicilier la CAN dans un pays qui aurait toutes les infrastructures nécessaires.
« Je n’ai jamais été cité dans les scandales »
Et que peut faire la CAF pour augmenter le nombre de sélectionneurs africains ? Pour la prochaine CAN sur 16 sélectionneurs, trois viennent du continent (Aliou Cissé, Sénégal, Florent Ibenge, RDC, et Kalisto Pasuwa, Zimbabwe), contre treize techniciens étrangers. Est-ce que la CAF peut faire quelque chose dans ce sens ?
On pourrait bien faire une réglementation, mais il nous est interdit de nous immiscer dans les affaires internes des fédérations internationales. Un jour, s’il y a une petite ouverture, la CAF fera quelque chose, mais pour l’instant, c’est une question de souveraineté nationale.
Vous présidez la Confédération africaine de football depuis 28 ans. Vous avez aussi présidé, en intérim, la Fifa, pendant quatre mois et demi. Quels souvenirs gardez-vous de ce moment ?
Il y a de bons souvenirs comme la remise du Ballon d’or à Lionel Messi en janvier 2016, mais c’était douloureux aussi parce que je n’avais pas de temps. Il fallait être à la Fifa et être également à la CAF. Je voulais céder ma place à la CAF, mais le comité exécutif n’a pas voulu. Ils ont dit que pour quatre mois, ce n’était pas la peine. Et c’est pendant ce temps-là que j’ai été hospitalisé (ndlr : pour transplantation rénale), donc cela m’a aussi abîmé. Mais au final, nous avons réussi à faire passer toutes les réformes. C’est un grand souvenir, même s’il y a eu des attaques.
Il y a cinq ans, il y a eu le congrès de l’UEFA à Paris. Vous étiez là, vous avez assisté à la réélection de Michel Platini avec tous les autres présidents des confédérations du monde. Aujourd’hui, parmi tous ceux qui étaient présents, vous êtes le seul encore en poste. Cela ne vous paraît pas incroyable d’avoir fait le vide autour de vous en 5 ans ?
Incroyable pourquoi ? (rires) Ils sont partis, j’ai survécu par la grâce de Dieu, par mon comportement. Rien ne s’est passé (ndlr : allusion au scandale de corruption à la Fifa). Je n’ai jamais été cité dans les scandales. Je n’ai jamais été inquiet. Je n’avais rien fait de mal, donc je n’avais pas peur.
« Je ne ferais pas encore 12 ans »
Gianni Infantino a donc évoqué le passage à 40 ou 48 équipes pour la Coupe du monde, et l’Afrique pourrait hériter de places supplémentaires. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Il faut préciser une chose, l’idée n’est pas d’Infantino, nous avons travaillé pendant quatre mois et demi sur des réformes et c’est sur ces bases que l’idée de monter à 40 équipes pour le Mondial a été évoquée, 40 et pas 48 équipes. Je vais rencontrer Infantino la semaine prochaine, j’en saurai certainement davantage, mais pour le moment, je suis pour 40, et l’Afrique aurait deux places supplémentaires.
Le 16 mars 2017, la CAF fêtera ses 60 ans à Addis-Abeba (Ethiopie), ce sera aussi l’élection pour un nouveau mandat du président de la CAF. Est-ce que vous serez candidat à votre propre succession ?
Pour le moment, je réfléchis, peut-être que je serai candidat, peut-être pas. Il y a certaines conditions que je ne peux pas dévoiler pour pouvoir me prononcer. La date limite de dépôt des candidatures, c’est le 16 décembre, donc j’ai tout le temps.
Il y a quelques jours, la CAF s’est prononcée en faveur d’une limitation à trois mandats de quatre ans pour le président de l’instance à partir de 2017. Cette mesure n’est pas rétroactive et pour la presse africaine, c’est un moyen pour vous d’être là encore 12 ans.
Ça, je peux l’affirmer, je ne ferai pas encore 12 ans. J’ai 70 ans, j’ai commencé à 41 ans.
Quand vous étiez à la Fifa vous plaidiez pour la limitation des mandats, est-ce qu’il y a pas une contradiction d’envisager de faire encore un mandat à la tête de la CAF ?
Non ! Au niveau de la Fifa ou de la CAF, rien n’est limité. Je peux me limiter, cela dépend de moi, mais les textes ne me l’interdisent pas. Peut-être que je vais aller jusqu’à dix, où est le problème? (rires) Ça vous gêne en quoi ? Je ne suis pas en forme, j’ai des petits handicaps, c’est pour cela que j’ai besoin encore de temps pour réfléchir.
Rigobert Song, l’ancien capitaine du Cameroun, a eu des problèmes de santé, une attaque cérébrale, et est soigné à Paris. Vous avez un mot pour lui ?
Je vais aller le voir demain (samedi 8 octobre) à l’hôpital. C’est un ami personnel et il a tellement procuré de joie au Cameroun et à l’Afrique. Je me dois d’aller le voir en tant qu’ami, en tant que président de la CAF et en tant qu’ancien président de la Fédération camerounaise de football.
rfi