Un demi-milliard de personnes risquent de basculer dans la pauvreté à cause de l’épidémie de coronavirus, alerte Oxfam, soit 10 % de la population mondiale. L’organisation non gouvernementale fait appel à la solidarité et réclame un plan de sauvetage d’urgence de 160 milliards de dollars.
Alors que des économies entières sont à l’arrêt dans le monde pour freiner la propagation du coronavirus, Oxfam lance l’alerte dans son nouveau rapport, baptisé Le prix de la dignité : si les pays les plus riches ne viennent pas d’urgence au secours des nations plus démunies, un demi-milliard de personnes pourraient sombrer dans la pauvreté, soit 10 % de la population mondiale. Du jamais vu depuis les années 1990 qui a vu la pauvreté diminuer sans discontinuer, jusqu’à aujourd’hui.
Ces personnes en grande difficulté viendraient s’ajouter aux 1,3 milliard qui vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Il s’agit des travailleurs pauvres des pays « riches » qui n’ont pas accès à la protection sociale, comme les indemnités de chômage, l’assurance santé. Il s’agit surtout des millions de gens dans les pays en voie de développement qui vivent dans des bidonvilles ou des camps de réfugiés, dont l’accès à l’eau est un défi permanent et qui ne peuvent pas s’isoler pour éviter de se contaminer.
Aide internationale et annulation des dettes
Alors que les ministres des Finances du G20 s’apprêtent à se réunir virtuellement le 15 avril prochain, ainsi que les décideurs de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international entre le 17 au 19 avril, Oxfam réclame un « plan de sauvetage économique pour tous et toutes » de 160 milliards de dollars. Dans son nouveau rapport, Oxfam indique que la lutte contre la pauvreté pourrait reculer de dix ans, et de 30 ans dans certaines régions comme l’Afrique subsaharienne, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Amérique latine. Plus de la moitié de la population mondiale pourrait désormais vivre sous le seuil de pauvreté, suite à l’épidémie de coronavirus.
Plusieurs dispositifs pourraient financer ce plan de sauvetage : l’annulation immédiate du remboursement de la dette des pays en développement pour 2020 à hauteur de 1 000 milliards de dollars. Ainsi, le Ghana, par exemple, pourrait fournir 20 dollars par mois aux nécessiteux. Oxfam propose aussi la création d’une réserve de mille milliards de dollars de liquidités pour que les pays aient de l’argent pour augmenter les dépenses de santé publique. Autres dispositifs : l’augmentation de 0,7 % de l’aide publique des pays donateurs au pays en voie de développement, et la mise en place d’un impôt de solidarité d’urgence.
Oxfam compte sur la France pour peser en faveur de ces mesures auprès du G20 et du FMI. L’Hexagone pourrait même ouvrir la voie. « La France peut décider sans attendre l’annulation des paiements de dettes qui lui sont dues par les pays en voie de développement pour 2020 pour les aider immédiatement à faire face à la crise », explique le porte-parole d’Oxfam France, Robin Guittard.
Une politique « plus juste et redistributive »
Mais la France, comme les autres pays entrés en récession à cause du coronavirus est-elle en capacité de mobiliser des ressources massives ? « Oui », défend Robin Guittard. « Il est plus urgent que jamais que la France, et les autres pays riches, tiennent enfin leur promesse de dédier au moins 0,7 % de leur richesse nationale au développement des pays pauvres. Pour la France cela représente 7 milliards d’aide en plus, ce à quoi il faut ajouter sa participation au plan de réponse de l’ONU. Une somme importante mais néanmoins modeste comparativement aux 5 000 milliards de dollars que le G20 a déjà annoncé vouloir mobiliser pour ses économies », conclut-il.
L’organisation humanitaire demande également à la France d’œuvrer pour une politique plus « juste et redistributive ». Il suffirait pour cela d’imposer davantage les grandes fortunes, d’instaurer une taxe sur les transactions, de lutter plus agressivement contre l’évasion fiscale, enfin de suspendre tout versements de dividendes, de rachats d’actions aux actionnaires ou de des bonus aux grands patrons tant que durera la crise.
Oxfam exhorte aussi à tirer les leçons de la crise financière. En 2008, les banques et les entreprises ont été secourues par les citoyens au prix fort : pertes d’emplois, gel de salaires et coupes drastiques dans les services essentiels, comme ceux de la santé.