Plus de deux millions d’Américains ont été sommés d’évacuer le littoral atlantique à l’approche jeudi du dévastateur ouragan Matthew qui a déjà fait près d’une trentaine de morts dans les Caraïbes et dévasté Haïti.
Le sud d’Haïti, où 23 personnes sont mortes selon un bilan encore très provisoire, restait essentiellement coupé des secours jeudi, 48 heures après que Matthew eut frappé de plein fouet.
L’ouragan, qui doit s’abattre sur la Floride dans la nuit de jeudi à vendredi, selon le Centre américain de surveillance des ouragans (NHC), pourrait se renforcer en catégorie 4 (sur une échelle de 5) à l’approche des côtes américaines.«Nous sommes particulièrement inquiets pour Palm Beach. C’est la première zone qui va être touchée et cela va arriver dans les heures qui viennent. Il ne reste pas beaucoup de temps», a mis en garde le gouverneur, au ton grave, lors d’un point de presse.
La puissance dévastatrice de Matthew balayait jeudi le centre de l’archipel des Bahamas où les aéroports ont été fermés, les bateaux de croisière touristique déroutés et les habitants, sommés par les autorités de gagner les hauteurs des îles, par peur de la montée des eaux.
À 04 h 00, la dépression se trouvait à 60 km au sud de Nassau et à 410 km au sud-est de West Palm Beach, une station balnéaire à une centaine de kilomètres au nord de Miami, selon le dernier bulletin du NHC.
Au moins 23 personnes ont été tuées et trois sont portées disparues en Haïti selon un dernier bilan officiel provisoire qui ne comptabilise pas la Grand’Anse. Ce département, qui se trouvait sur la trajectoire directe de l’ouragan, a été coupé du reste du pays pendant plus de 18 heures.
«Nous avons pu brièvement entrer en contact avec la ville de Jérémie (chef-lieu du département), mais nous n’avons pas encore de nouvelles des autres communes», s’est inquiété mercredi le porte-parole de la protection civile haïtienne. Selon le président par intérim, Jocelerme Privert, «la situation des principales villes (haïtiennes) est catastrophique».
De nombreux Haïtiens, passant outre aux recommandations de prudence, cherchent à tout prix à rallier le sud de l’île pour retrouver leurs familles.
LARMES AUX YEUX
À Léogane, à une trentaine de kilomètres de la capitale, toutes les rivières ont débordé, mais George Irel, un jeune homme de 19 ans dont les proches vivent aux Cayes, traverse tout de même les cours d’eau pour les rejoindre. «Pendant toute la durée du cyclone, je ne pouvais pas les joindre au téléphone, mais, depuis ce matin, les communications passent à nouveau», témoigne-t-il, les larmes aux yeux, «si content d’avoir entendu les voix» de ses parents.
Très vulnérable aux aléas climatiques en raison de l’importante déforestation et peinant encore à se relever du violent séisme de 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts, le pays le plus pauvre des Caraïbes craint la résurgence du choléra, avec le signalement de huit nouveaux cas.
Les vents et les pluies ont inondé près de 2000 maisons, endommagé dix écoles, détruit d’importantes surfaces agricoles, des entreprises, des routes et des ponts. Plus de 21 000 personnes ont été évacuées dans des abris provisoires.
Sur la côte est de Cuba, l’ouragan a déchargé toute sa fureur, notamment sur Baracoa, la plus ancienne ville du pays dont «il ne reste que des ruines», selon des habitants.
«Les maisons coloniales du centre qui sont si jolies ont été détruites», raconte à l’AFP Quirenia Peres, une employée de maison de 35 ans. Fondée il y a cinq cents ans, la ville n’a déploré cependant aucune victime, selon le vice-ministre des Forces armées révolutionnaires, le général Ramon Espinosa.
MONTÉE DES EAUX
Jeudi matin, l’ouragan se situait à 160 km au sud-est de Nassau, la capitale des Bahamas où l’aéroport, tout comme ceux du reste de l’archipel, a été fermé. La dépression géante se trouvait à 480 km de West Palm Beach en Floride, une station balnéaire à une centaine de kilomètres au nord de Miami.
L’ouragan de catégorie 3 (sur une échelle qui en compte 5) devrait s’intensifier jeudi dans la soirée à mesure qu’il se rapprochera des côtes américaines, selon le NHC.
Distribution de sacs de sable, péages levés et ouverture de refuges, la Floride, habituée aux tempêtes tropicales, se prépare frénétiquement.
Barack Obama a averti qu’il s’agissait d’une «tempête sérieuse», appelant les Américains à la vigilance. Les gouverneurs de plusieurs États menacés ont décrété l’état d’urgence, mobilisant 500 militaires de la Garde nationale.
«Si vous pouvez partir, faites-le maintenant», a déclaré mercredi le gouverneur de la Floride Rick Scott, en ordonnant d’évacuer, volontairement ou obligatoirement selon les comtés, les zones sur la trajectoire de l’ouragan. La Floride pourrait être «directement touchée» par le coeur de l’ouragan, a prévenu Rick Scott.
«De hautes vagues provoquées par Matthew causeront une montée des eaux bien avant et bien au-delà de la trajectoire» de l’oeil de l’ouragan, selon les météorologues. «Il existe un risque d’inondations menaçant les vies humaines ces 36 prochaines heures le long de la côte Est de Floride».
Battues par les vents, plusieurs plages d’ordinaire fréquentées par de nombreux touristes étaient désertées mercredi, tandis que les bouteilles d’eau et conserves venaient à manquer sur les étalages de certains supermarchés.
Au nord de la Floride, en Caroline du Sud, déjà frappée en 2015 par de graves inondations, plus d’un million de personnes vivant près des côtes ont reçu l’ordre de se réfugier dès mercredi à l’intérieur des terres. L’armée américaine a mis à l’abri plusieurs navires et avions.
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