Conscient des injustices sociales qui perdurent, le rappeur français Mokobé reste fier de ses origines modestes, et exhorte les jeunes des quartiers à ne pas baisser les bras.
A 40 ans, l’artiste Mokobé est un “pur produit de banlieue”, comme il aime se qualifier.
Il a fait ses armes au sein du collectif Mafia K’1 fry (mafia africaine en verlan), puis avec le groupe 113. En 20 ans de carrière, il a rempli les salles de Paris à Dunkerque, en passant par Dakar.
C’est dans un bar à chicha du 11ème arrondissement de Paris que Mokobé nous donne rendez-vous.
Ce jour-là, il est en retard. Des soupçons de pédophilie dans une école enflamment la communauté africaine de Montreuil, à l’est de la capitale.
Comme à son habitude, le rappeur s’était déplacé afin de soutenir les familles.
Son statut de célébrité lui permet de mettre en lumière des situations tenues dans l’ombre.
“Je suis un homme de terrain, pas un révolutionnaire de salon. C’est débile de parler d’injustice en studio et de ne pas aller voir les gens. Il est important d’apporter un vrai soutien,” explique-t-il.
Né dans une famille de 15 enfants
Né dans une famille de 15 enfants, d’un père malien-sénégalais et d’une mère malienne-mauritanienne arrivés en France dans les années 70, le jeune Mokobé Traoré grandit à Vitry-sur-Seine, au sud-est de Paris.
Il fait partie de la première génération de rappeur à avoir grandi dans une cité. Son quartier, sa vie à Vitry ont été pour lui sa première source d’inspiration.
“J’ai toujours aimé vivre en cité, parce qu’on vit les uns sur les autres. Le partage et le mélange sont des choses qu’on ne peut pas retrouver ailleurs. J’ai grandi dans une famille nombreuse. On a appris à vivre avec peu de moyen tout en étant heureux.
Au début on était quatre dans la chambre, avec deux lits superposés. On s’est retrouvé à cinq puis à six. On avait du mal à ouvrir la fenêtre, avec tous ces lits. J’ai fini par dormir au salon.”
Comme c’est le cas de beaucoup de rappeurs, les paroles de Mokobé se sont assagies avec l’âge.
En 1996, révolté par la situation des laissés pour compte de sa banlieue, il couche sur le papier ses frustrations, ses aspirations et ses coups de gueule, mêlés d’argots.
Défendre des causes
“A l’époque on était des rebelles. On faisait de la musique pour parler de notre quotidien, des gens de chez nous, défendre des causes. Parce qu’on a ce nom, ce visage, ce prénom, cet héritage, cet accent-là, on vous catalogue.”
L’isolement de la vie en cité, affirme-t-il, engendre souvent la frustration. “On finit par étouffer, jusqu’à exploser comme un volcan.”
Ce sentiment de confinement s’estompe quand le succès commence à être au rendez-vous à la fin des années 90.
L’album Les Princes de la Ville sorti en 1999, consacre 113 et permet d’exporter leur musique au-delà de la banlieue sud de Paris. Mokobé découvre le monde extérieur à travers les tournées, d’abord en France puis à l’étranger.
Les chansons du groupe ont bercé l’enfance d’une génération de jeunes de banlieue. Tonton du bled, devenu culte, raconte sous un ton décalé, le choc culturel de vacances en famille vers l’Algérie.
On est ensemble
Le premier album solo de Mokobé, Mon Afrique, sorti en 2007, illustre le rapport parfois complexe qu’un enfant d’immigré peut entretenir avec la France et le pays d’origine de ses parents.
Son nouvel album, prévu à la rentrée 2016, s’intitule On est ensemble. “Ça veut tout dire que peu importe tes origines, peu importe ta culture, peu importe ta classe sociale, quoi qu’il arrive, on vit tous sur la même planète.
On n’a pas le choix.”
A une époque où, selon lui, les réseaux sociaux accentuent les divisions en montrant de façon violente les drames touchant telle ou telle communauté, Mokobé se montre nostalgique d’une époque où la cité était pour lui un lieu sûr.
“Quand j’étais au collège, je me sentais préservé. On ignorait ce qui se passait à l’autre bout du monde. On ne pouvait pas nous diviser aussi facilement qu’actuellement. Je me souviens qu’en bas de ma cité, Noirs, Arabes, Juifs, Chinois, on était tous ensemble.”
Un message d’encouragement qui s’adresse aux jeunes qui bien souvent sont victimes d’injustices sociales.
“J’ai des potes à moi qui sont avocats, qui sont médecins. Vivre dans une cité, ce n’est pas une fatalité.”
En faisant le tour des écoles, il engage les élèves à écouter les professeurs – conseil qu’il avoue n’avoir pas toujours suivi lui -même.
Même après de nombreux voyages aux États-Unis, et avoir joué à San Francisco, Atlanta, Washington et New York, Mokobé s’estime “nul en anglais”.
“J’étais au BET [Black Entertainment Television] Awards à Los Angeles en 2011 et j’étais complètement perdu. Je n’arrête pas de dire aux enfants: ne négligez pas l’anglais.”
bbc